Dans un article du Monde du 20 août, la journaliste Audrey
Garric présente une enquête de Chris Darimont et de son équipe consacrée à
l'être humain en tant que "superprédateur". Les résultats de l'étude sont
troublants, dans le sens où ils documentent clairement, au niveau planétaire,
l'irresponsabilité de notre espèce. Le présupposé de l'étude est peut-être
discutable en ce qu'il a de mythique : pour retrouver l'harmonie terrestre
l'homme devrait aligner son taux de prédation sur celui des autres prédateurs.
Développer ce raisonnement pourrait donner lieu à toute une série de paradoxes
hilarants suggérant, par exemple que l'homme devrait gérer ses conflits
politiques en s'inspirant des carnassiers ou calquer ses habitudes sexuelles sur
celles des dingos.
Au delà du mythe, malheureusement, les
données inquiétantes qu'on nous livre ont de fortes chances d'être véridiques. Porteuses d'un message à la fois scientifique
et "messianique" elles risquent de nous faire perdre de vue les
réalités locales qui pourraient remettre en cause le parallélisme prédateur
humain=prédateur non-humain.
En fait, on n'a
jamais vu de prédateurs non-humains lancer un programme de réintroduction des
espèces en danger. Ici et là, rongés par le remords ou mus par l'intérêt, les
humains réintroduisent des prédateurs et des proies. Et ils y tiennent
beaucoup. C'est ainsi par exemple que la chasse de sélection, qui est désormais
la règle dans la plupart des pays européens, prévoit l'abattage des jeunes "surnuméraires" et
limite strictement le "prélèvement" (formule hypocrite qui rappelle
l'image d'un distributeur de billets de banque) des reproducteurs les plus doués.
Dans la chaîne alpine les grands herbivores, qui vers la moitié du siècle passé
avaient presque disparu, aujourd'hui pullulent. Les loups aussi commencent à
pulluler mais, statistiquement, ils "prélèvent" moins que nous, ce qui est
rassurant (au niveau global, bien entendu, pas au niveau local).
Juste
avant l'article d'Audrey Garric j'avais lu dans La Repubblica un
article anonyme relatant la mort, dans
les environs de Pise, d'un homme de 39 ans dont la Ford Fiesta a croisé en
pleine nuit le chemin d'un sanglier d'une centaine de kilos. "Un accident
analogue, poursuit l'article, s'est produit hier matin à l'aube dans la
nationale 80, près de L'Aquila.
Une Smart conduite par un jeune homme (39 ans lui aussi) a heurté un sanglier. La voiture s'est renversée
et pour le conducteur, éjecté de l'habitacle, il n'y a rien eu à faire".
Bref, au niveau global le
superprédateur montre trop d'efficacité. Au niveau local il se laisse parfois déborder.
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