Le trophée de chasse permet à la fois de célébrer un
triomphe et d’honorer le vaincu. On prend et on restitue à la fois.* Le récit de chasse remplit la même
fonction : d’un côté il décrit une victoire sur l’animal, de l’autre il
justifie sa mise à mort. Trophée et récit permettent de savourer à volonté
« ce moment-là », le moment où
on a tué. Ils donnent à l'événement une raison, une perspective. Si le chasseur revient sur la scène du
meurtre c’est pour partager sa joie mais aussi pour mettre de
l’ordre, purifier, momifier. Moi aussi
l’autre jour, en décrivant la suppression d’une bestiole qui rongeait mes livres
j’ai reproduit le même modèle. N’y avait-il
pas du plaisir sadique dans la description du corps de l'insecte qui
éclate comme une baie sous la pression de mes doigts? C’est difficile à
nier. Mais si j’ai gardé à l’esprit cet épisode somme toute ordinaire (j’ai
tué d’autres insectes dans ma vie) c’est aussi peut-être qu’il m’a troublé. Quelque
chose dans la procédure n’a pas marché. Et
pour exorciser le détail obscène j’ai eu besoin de le représenter. Loin de s’opposer, les mobiles
sadique et cathartique ont tendance à
cohabiter. J’y reviendrai.
* On prend, on prétend restituer.
* On prend, on prétend restituer.
L’observation des connexions cérébrales en action, quand on convoque ses souvenirs, indiquerait qu’on les réinscrit dans de nouveaux circuits nerveux, augmentant la probabilité de les transformer.
RépondreSupprimerC’est ainsi que peut-être, dans plusieurs générations, se racontera “la légende du poisson d’argent”.
Pour l’inavouable, il y aurait plutôt les mythes ? (Les mites ne s’attaquent pas au papier mais aux tissus).