dimanche 16 avril 2023

Cochonnitude et créativité. (À propos de Picasso et de ses défauts)

 

Dans son article « Le génie et le porc : qui veut effacer Picasso ? » le journaliste du Corriere della Sera Gianluca Mercuri nous rappelle l’importance de « ne pas occulter les bassesses de l’histoire et des personnages du passé pour éviter qu’elles se répètent et se perpétuent ». Ainsi, après avoir insisté  sur le fait qu’on ne peut pas nier la génialité de Picasso, il s’attarde sur le machisme prononcé de l’auteur des Demoiselles d’Avignon. On comprend le message : cacher les aspects peu honorables de la biographie picassienne ferait de nous  des complices. 

Là où je suis en désaccord c'est  avec l'usage  anachronique du substantif « porc ». Je ne le dis pas pour défendre le porc, cet animal goûteux et prolifique qui, au fil du temps, a généreusement contribué à mon alimentation*.  C’est que l’emploi de cette métaphore est historiquement  connoté :  dans la tradition catholique la référence à l’éthologie porcine servait à  stigmatiser la sexualité en général, à savoir les pensées, les désirs et les actes lubriques : « Vous avez pensé à cette chose là ? Et vous continuez à y penser ? Mais vous êtes vraiment un porc ! ».

Bref, être phallocrates et misogynes est une chose (c’était le cas de Picasso, vraisemblablement). Être des porcs en est une autre.

* Je  délègue cette tâche aux Antispécistes.

2 commentaires:

  1. On se trouve plutôt dans la cour des monstres.
    (Sophie Chauveau y a vu la figure du Minotaure.)
    Il y a toujours un prix à payer dans le processus de création. Visiblement, ce sinistre génie présentait l’addition à ses femmes.

    « Il les soumettait à sa sexualité animale, les apprivoisait, les ensorcelait, les ingérait et les détruisait sur ses toiles. Après avoir passé de nombreuses nuits à extraire leur essence, une fois qu’elles étaient asséchées, il les délaissait (…) Il avait besoin de sang pour signer chacune de ses toiles, confirme sa petite-fille Marina Picasso, celui de tous ceux qui, croyant aimer un homme, ont aimé Picasso. »

    Il me semble qu’il se vengeait de ce qui était donné à Picasso et n’émanait pas de Pablo.
    J’ai entendu dire que loin d’être les seuls, Fiodor Dostoïevski, Marguerite Duras, avaient eu l’humilité de le reconnaître : ils pouvaient sentir quelque chose s’emparer de leur main pour écrire.
    Ce qui n’enlève rien à leur mérite d’avoir préparé le terrain qui permettait cette germination.

    Armelle Sêpa.

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  2. Ce qu'on reproche aux porcs (mais ça nous éloigne de Dostoïevski, de Marguerite Duras et du processus de création artistique qui est au cœur de votre propos) c'est justement leur "sexualité animale" (absente chez les porcs déconstruits qui restent, pour l'instant, une minorité). J'en déduis qu'il existe trois types de sexualité : animale, végétale et minérale.

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