vendredi 19 juillet 2024

Pour cause de vacances

 

 

Un Chinois. Combien il y en a -t-il en Chine ? 1,412milliard. Eh bien, depuis quelques jours, parmi les visiteurs de mon blog il y a un Chinois. Ce n’est pas encore le buzz, mais ça à de quoi rendre optimiste.

Avec ma ménagerie, nous avons décidé de prendre deux semaines de vacances. Nous espérons que le Chinois en question, à la rentrée, sera toujours là.

mercredi 17 juillet 2024

Comment réduire la sur-fréquentation touristique ? Les multiples de Trente


Est-ce une trouvaille pour réduire l’afflux de touristes dans une région à forte composante identitaire ? Toujours est-il que le coureur à pied strasbourgeois dont parle la presse du 15 juillet, aurait mieux fait d’aller courir dans les Pyrénées, où les ours sont d’une politesse notoire (bien gérés par les administrateurs locaux et mieux compris qu'en Italie du nord par une population plus empathique). À la différence d’Andrea Papi mort sur place en plein jogging sylvestre, le randonneur français a réussi à s’en sortir avec les jambes et les bras sérieusement abîmés. Le retour des ours, nous rappellent leurs défenseurs, aide à restaurer les équilibres naturels. Pour favoriser la cohabitation, ils proposent d’interdire aux promeneurs les territoires fréquentés par les plantigrades, qui pourront ainsi se propager sereinement dans des surfaces de plus en plus étendues*. Du point de vue écologique c’est clairement la bonne solution : davantage d’ours, moins de touristes et de bergers dans les espaces alpins, plus de Wilderness (et moins de « fascisme », si on prend au pied de la lettre le panneau que j’ai publiée dans le billet précédent).

* Tout en s’arrêtant gentiment à la frontière lorsqu’on leur demandera de respecter les accords.

lundi 15 juillet 2024

Le devenir de l’antispécisme


Manifestation à Trente après la suppression d'un ours "à problèmes"

 

 Tiens, me suis-je dit, j’ai passé des années à signaler les excès de l’antispécisme, les ambiguïtés de certaines fondations pour la défense des animaux, l’attitude presque religieuse des végétariens les plus intransigeants, et après, tout à coup, ma ferveur « savonarolienne  » s’est atténuée. À l’époque, je travaillais encore sur les espèces invasives et l’expansion de ces idéologies émergentes, de ces lectures alternatives de notre rapport à la réalité me paraissait irréversible - opportune dans une certaine mesure, mais inquiétante. Je crois avoir trouvé la raison de mon changement d’attitude. Ma perception de l’actualité a changé depuis que j’ai arrêté de consulter Twitter (ça s’appelait encore comme ça).  Sur Twitter je m’étais abonné à une brochette de sites dédiés à la nature et à la question animale. J’ai ainsi fini par faire coïncider le réel des relations que nous entretenons avec le « vivant » avec la réalité toute particulière des militants les plus engagés.   Depuis que j’ai arrêté avec Twitter le monde a pris une forme plus courante, avec ses carnivores décomplexés, des propagateurs de blagues salaces et/mais marrantes sorties des tréfonds de l’imaginaire collectif, des gens tout à fait normaux indifferents aux animaux et qui n’ont pas honte de le reconnaitre. Vue dans cette optique, la trajectoire de ces mouvements « fondamentalistes » qui me donnait le sentiment d’une dynamique colonisatrice portant atteinte à la biodiversité culturelle, me fait penser à l’évolution de certaines espèces invasives. On croyait qu’elles auraient saturé l’écosystème, elles finissent souvent  par se contenter d’une niche où elles prospèrent à côté des autres espèces, contribuant à l’harmonie collective (et à ses quelques dissonances).

vendredi 12 juillet 2024

Des loups, des pétards et le sentiment du sublime

Pétards (le fait qu’ils s’appellent « Lupo » est une curieuse coïncidence)

 19h. La lumière commence à faiblir. Nous cueillons des russules, il y en a partout. Elles nous attendaient, très probablement.

 - Y a-t-il des ours et des loups ici ?

Moment de silence.

- Eh ben … oui. Mais nous n’avons rien à craindre. L’ours, peut-être, mais statistiquement … il faudrait avoir vraiment de la malchance…

- Oh, moi, les statistiques ...

 Je continue à ramasser en me disant : « il n’y a rien à craindre,  mais on y pense quand même ».

En rentrant, je cherche dans la presse locale quelques informations sur les dernières apparitions du loup dans la zone et je découvre l’existence d’un type de loup plus gênant que les autres : c’est le loup confiant :

“Les comportements du loup confiant – précisent les spécialistes - sont les trois suivants : « Le loup est repéré pendant plusieurs jours à moins de 30 mètres des maisons habitées », « le loup permet à plusieurs reprises aux personnes de s'approcher à une distance inférieure à 30 mètres » ou semble s'intéresser aux gens. Face à ces comportements, les forestiers pourront désormais mettre en place des actions dissuasives. Celles-ci sont toutefois précisées par écrit dans le décret présidentiel et seront mises en œuvre au moyen de « sources sonores (pétards, tirs à blanc et dissuasifs automatiques pour la faune), de sources lumineuses (phares) ou par l'utilisation de balles en caoutchouc d'un calibre ne dépassant pas 12"”/

(https://www.iltquotidiano.it/articoli/dai-proiettili-di-gomma-ai-petardi-fugatti-autorizza-).

Pour être plus tranquille, dorénavant, je ne partirai aux champignons qu’après m’être procuré  un forestier et des pétards.

mardi 9 juillet 2024

Après le vote

 

 


Maurice, l’autre jour, faisait profil bas et évitait de croiser mon regard. Je ne suis pas sûr que le résultat des dernières élections l’ait rempli de joie.

samedi 6 juillet 2024

Appeler un chat un chat (et garder les distances)



Je lis dans un quotidien italien: « non resiste alla scomparsa della sua umana e si lascia morire” “ il ne résiste pas à la disparition de son humaine et se laisse mourir ». Au départ je ne comprends pas : qu’est-ce que ça veut dire « son humaine ? ». Mais, oui, c’est évident, on parle d’un chien ou d’un chat qui a perdu sa maîtresse. On dit « son humaine » pour ne pas dire « sa maitresse », qui sonne mal. Le raisonnement est sans faille : si moi j’ai le droit de dire « mon chat », pourquoi lui n’aurait-il pas le droit de dire « mon humain » ? On peut apprécier cette nouvelle manière de s’adresser aux animaux. Personnellement je la trouve hypocrite On cherche à abolir par le langage une distance objective, un rapport asymétrique ancré dans la nature des choses. « Les rapports de pouvoir n’ont rien de fatal », commentera  l'auteur de l'article *, sortons des schémas du patriarcat». D’accord, mais évitons aussi de dissimuler le caractère contraignant des frontières ontologiques. Quittons le patriarcat, mais aussi le paternalisme.

Je croise un chat. Il me regarde. J’ai envie de le vouvoyer.

* Que j’instrumentalise ici, lui prêtant des intentions qui ne sont peut-être pas les siennes. Dans son humanitarisme il va sans doute me pardonner.

mercredi 3 juillet 2024

Pour qui voter dimanche prochain ? Le point de vue d’un animal parmi tant d’autres


 

Je me souviens de l’époque où je commentais  avec effroi la victoire électorale de Donald Trump, ou celle de Matteo Salvini, le chef de file de la Ligue du Nord devenu plus tard ministre de l’intérieur du gouvernement italien.  Dans un vieil article qui s’appelle “« Je interdit ». Le regard presbyte de l’ethnologue”*, j’ai expliqué pourquoi, dans la recherche en sciences humaines et sociales,  le locuteur a le devoir de se positionner. Ce n’est pas du narcissisme. Cela permet à  l’interlocuteur de connaître l’orientation (psychologique, morale, idéologique …), de la personne qui lui parle et de mieux comprendre le sens de ce qu'elle dit. C’est une bonne règle dans plusieurs champs de la communication. Donc, même si je ne suis pas concerné personnellement (je vote en Italie), j’aime bien me positionner : je prétends être de gauche sans être pour autant populiste, les deux choses n’allant pas forcément ensemble**. C’est à partir de ma sensibilité de gauche que périodiquement, sur ce blog,  je me permets d’attirer l’attention sur l’intolérance, l’intégrisme, parfois même l’agressivité, de certains représentants  de la gauche actuelle. Je ne passe pas mon temps à critiquer l’extrême droite,  cela me paraît implicite et superflu.  Il me semble plus utile de signaler le danger constitué par ceux et celles qui, au nom des valeurs que je défends depuis des décennies, cherchent à brider les libres penseurs. Je les considère particulièrement nocifs/nocives parce que,  par leur sectarisme et leur penchant pour le politiquement correct, ils/elles poussent des démocrates sincères, anciens militants, activistes …   à ne plus se reconnaître  dans la gauche et, parfois, à retrouver leurs affinités  ailleurs, ce qui n’est pas mon cas ***.

Cela dit, à un moment où prendre position devient important, je n’ai aucune hésitation : je voterais pour le Nouveau Front Populaire. Je trouve  immoral et opportuniste que l’on prétende mettre sur un  même plan l’extrême droite et  la gauche. Je trouve  tout aussi inadmissible que l’on prétende mettre sur un  même plan l’extrême droite et l’extrême gauche, même si certains  représentants de LFI, d'après moi,  trouveraient bien leur place de l’autre côté***.

Ils est à la mode, aujourd'hui, de décréter la fin de l'opposition droite/gauche, mais les deux ethos ne se ressemblent pas.  Les conceptions de l’humain, de ce qui fait notre dignité, sont tout aussi éloignées. Ne serait-ce que par rapport à la liberté d’opinion et d’information, à la défense de la culture et de l’environnement****, de la  création artistique, des droits civiques, de la paix sociale,  l’extrême droite au pouvoir aurait des effets ravageurs.

J'ai un peu honte du ton solennel de ce billet, alors que sur ce blog je passe mon temps à faire le pitre.  Mais je suis inquiet.

*« Je interdit ». Le regard presbyte de l’ethnologue, in (Georges Ravis-Giordani éd.), Ethnologie(s). Paris, CTHS, 2009 p. 18-40 

** Mussolini au départ était socialiste, je sais, mais ce n'est pas un  bon exemple.

*** Il faudrait leur dire, ils se sentiraient plus à l'aise.

**** Culture au sens anthropologique du terme, la vision « patrimonialiste » du RN  ramenant la notion de culture à l’époque du pittoresque et de l’Académie Celtique. Grandiose institution, l’Académie Celtique, mais aux débuts du XIXème siècle.


lundi 1 juillet 2024

Pour qui ont voté les chasseurs ? J’ai un doute*

 

 Couverture de la revue Venatoria (Cynégétique), organe officiel de la Fédération nationale fasciste des chasseurs italiens.

Deux ethnologues  ont joué un rôle important au tout début de mon évolution professionnelle  : Pietro Clemente, à Sienne, qui m’a introduit au « folklore progressif » (réhabilitant les savoirs vernaculaires et la créativité populaire) et  à la pensée d'Antonio Gramsci. Ses cours de  Littérature des traditions populaires  nous faisaient saisir la noblesse morale des études sur les « vaincus ». Ils nous donnaient envie de devenir des « intellectuels organiques »** et de travailler en synergie avec les « classes subalternes »  pour lutter contre la « culture hégémonique » et contribuer ainsi à l’ émancipation des « damnés de la terre »***.  Christian Bromberger, à Aix-en-Provence, a suivi et encouragé mes recherches sur la chasse, acceptant de diriger une thèse dans un domaine qui pouvait paraître ringard mais dont il avait saisi tout l’intérêt anthropologique. C’était rare à l’époque.  Tout au long de ma carrière, j’ai poursuivi avec passion mes enquêtes dans cet univers en déclin qui, en dépit de sa perte de légitimité,  reste un lieu d’observations stratégique pour la compréhension des rapports entretenus par  notre civilisation avec le monde de la nature – des rapports qui ont duré assez longtemps pour structurer en profondeur nos perceptions, notre imaginaire, nos  repères symboliques.

Le résultat des dernières élections françaises (et italiennes), me fait penser que le projet gramscien a en quelque sorte réussi, mais en prenant une direction inattendue.  Perdant sa subalternité,  la culture de  la « majorité silencieuse », snobée et mal comprise par les élites, s’est finalement imposée. Fatigués par les élucubrations  des représentants de la culture officielle jugées comme  « fumeuses » et  « déconnectées du réel », onze millions d’électeurs français viennent de voter pour l’extrême droite. Ils n’ont plus besoin d’« idiots utiles » comme moi (l’ont-ils jamais eu, d’ailleurs ?). Leurs « intellectuels organiques » sont bien là : ils s’appellent Marine Le Pen et Jordan Bardella. J’attends de découvrir leurs collaborateurs****.

* J’ai des soupçons, mais le gouvernement actuel, à vrai, dire, a pris plusieurs initiatives en faveur des chasseurs. Voter pour l'extrême droite  serait presque le trahir.

** C’est une formule d’Antonio Gramsci, justement.

*** Cette définition, en revanche, on la doit à Franz Fanon.

**** J’anticipais ces remarques dans mon article « Les confessions d’un traître.» De l’indécence du regard ethnologique et de la manière de s’en sortir ». In (P. Alphandery, S. Bobbé dir.),  Postures et cheminements du chercheur, Communications n. 94, p. 91-107.