Canis Lupus
J'ai rêvé d'une
louve. Il ne s'agissait pas de ces louves lubriques et relativement
sympathiques (en ce qu'elles ont d'anticonformiste) décrites par Sophie Bobbé
dans son livre consacré à l'ours et au le loup*. C'était une bête qui faisait
vraiment peur. Elle était une louve mais aussi, simultanément, un aspirateur de
la marque Vorwerk (dans les rêves, c'est connu, on peut être plusieurs choses à
la fois). Au fur et à mesure que je portais mon attention sur quelque chose,
elle l'aspirait. Elle a commencé par la partition simplifiée d'un morceau de
James Taylor. Après, passant du visible à l'invisible, elle s'est mise à
aspirer mes idées, mes désirs les plus intimes, deux ou trois souvenirs
auxquels je tiens particulièrement, mes projets d'apprendre à dessiner et de
faire retapisser avec du velours gaufré, d'un beau rouge cardinal, le fauteuil de ma grand-mère. Plus je
me vidais, plus elle enflait. Pour chercher à l'arrêter, je lui ai offert ma
collection de figurines Panini, mon Laguiole et même une petite médaille en or,
avec un ange gardien, qui m'avait été donné par mon oncle Guido à l'occasion de
mon baptême. Rien à faire, elle dévorait tout et me regardait d'un air
impassible et triomphant en murmurant, comme le lion de la fable de La
Fontaine : « J'ai le droit, oui, j'ai le droit ». J'ai compris
qu'elle voulait ma peau et j'ai fermé les yeux. Lorsque je les ai ouverts, elle
avait disparu. Au beau milieu du salon une sorte de trou noir tourbillonnait,
silencieux comme un corbillard, en avalant toute l'énergie vitale de la maison
ainsi que les derniers objets et les derniers souvenirs. Je me suis réveillé
dans l'angoisse en me disant : mon Dieu heureusement ce n'était qu'un
rêve.
Reste à établir
pourquoi, même dans les rêves, les louves ont une si mauvaise réputation. Nous
y reviendrons.
* L'ours
et le Loup. Essai d'anthropologie symbolique, Paris MSHS/INRA, 2002. C'est
la deuxième fois que je le cite, je demanderai un pourcentage sur les ventes.
*On peut dire « mon Dieu » même
lorsqu'on est agnostique.
L'homme est une louve pour l'homme (et un ours pour la femme).
RépondreSupprimerTrès amusant. Cela m'aide à dédramatiser.
SupprimerJe pense que Freud douterait que cette louve nocturne, figure du Malin, est avalée la médaille de baptême. Ou alors il s'en réjouirait !
RépondreSupprimerSophie