Vin "nature" avant la lettre dans un tableau de Caravaggio
L’univers exploré par Christelle Pineau dans son article « Des animaux, des vignes, des humains : correspondances “naturelles” »* nous rappelle à quel point le discours sur l’animal est chargé aujourd’hui de connotations morales et politiques au sens noble du terme. Les producteurs de vins « nature », ces puristes de la vinification excluant de leur démarche tout apport chimique, projettent sur leurs animaux (des chevaux, des cochons, des moutons, des oies qui les aident dans leur activité), la même empathie, le même respect et la même affection qu’ils réservent à leur vigne (une vigne presque anthropomorphisée). Cela semble remettre en cause, en même temps que le « modèle naturaliste » (pour reprendre la formule de Philippe Descola), les modalités des rapports interspécifiques : « C’est une équipe plutôt soudée – déclare un des interlocuteurs de Christelle Pineau en parlant de ses associés humains et non humains – tout le monde est convaincu par la démarche, y’a une vraie richesse, un vrai échange, y’a pas de hiérarchie dans notre équipe, tout le monde a son mot à dire, tout le monde a des propositions à faire … ».
Pourquoi mettre en doute la sincérité de ce
témoin ? Spontanément, je crois à ce qu’il dit : son discours doit avoir une incidence réelle sur sa manière de
se rapporter aux plantes et aux animaux.
En même temps – je me vois obligé d’y penser – ça me rappelle la
rhétorique interclassiste** des PDG de Toyota ou de FIAT (« Chez nous, c’est
une grande famille … ») ou l’utopie égalitaire du Club Méditerranée
(« Ici tout le monde se tutoie … »). S’en tenir aux déclarations des acteurs ou tout
salir, même ce qu’il y a de plus noble et généreux, en exerçant le doute permanent ? Comment
sortir de cette impasse ?
* De la bête au non-humain.
Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina
dir.), édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des
sociétés historiques et scientifiques »
2020
(à paraître).
**
Transformée ici en rhétorique interspécifique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire