vendredi 5 mai 2023

Les nouveaux horizons du pittoresque


Ce n’est pas du Land art, c'est peut-être moins conceptuel, mais la poétique de l’éphémère est bien là. Les adeptes du Street art déploient leur grâce  et leur talent  en pleine gratuité. Ils choisissent les endroits les moins conventionnels, les murs en décomposition, les espaces enlaidis par l’activité humaine. Ils y installent leurs créatures (étincelantes, au départ, ravies d’être au monde et  sentant la peinture fraiche ...). Après ils s’en vont. On dirait qu’ils les abandonnent. Le public occasionnel aurait envie de sauver ces fresques à ciel ouvert, de les  protéger des intempériesC’est drôlement beau, quel dommage … »). Mais la pérennité n’est pas le but des graffeurs. Les herbes folles sont déjà là et commencent à  ronger la peinture. Encouragée par la pluie  la mousse attaque les murs. Le lierre rampe et ira tout engloutir. L’œuvre de ces « flambeurs » est un hymne à la dépense improductive. C’est un discours sur la vanité de l’effort humain pour laisser des traces.  De l’art réaliste, finalement.

 


 

4 commentaires:

  1. Je trouve votre mot très poétique. Mais en voyant le lierre qui s'avance vers ce cavalier au sourire à peu près aussi énigmatique que celui de la Joconde je me rappelle un travail qui nous avait été demandé en cours d'arts plastiques en classe de cinquième, il fallait dessiner au crayon gris un jardin envahi par la végétation redevenue sauvage (je me souviens plus des termes exacts de la consigne)... j'avais je crois passé des heures captivantes à dessiner une à une des feuilles, lianes, racines et fleurs de toutes les formes en train de s'attaquer à des vestiges de colonnades.

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  2. Les vestiges, les lianes, la nature qui engloutit tout. Il y a bien des précédents, c’est vrai. Je pense à Kipling, par exemple.

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  3. Votre texte m'a fait penser qu'il y a d'un côté, des gens qui s'approprient, certes d'une manière éphémère, des espaces/interstices urbains plus ou moins abandonnés ou sauvages, pour y mettre de l'art et de l'autre côté il y a un esthétique dystopique qui met en scène une civilisation abandonnée ou envahi/soumise par la nature (fictif comme les images de lieux existants manipulés dans photoshop, ou des vraies ruines modernes comme Prypiat). Est-ce que c'est la même chose, finalement, ou une relation dialectique, complémentaire, une émulation? L'urbex (urban exploration) réunit parfois les deux!

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    1. Je ne connais pas suffisamment cet univers pour différencier les mouvances et les poétiques. Vu de l’extérieur cet ensemble bariolé me donne le sentiment d’une remise en cause globale des frontières spatiales (le proche et le lointain, le domestique et le sauvage), temporelles (le passé et le présent), expérientielles (le réel et le virtuel). J’énonce une évidence, bien entendu.

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