jeudi 7 septembre 2023

Eco-tourisme néo-païen

Je monte à la chapelle de Saint Georges, dont la spécialité est de faire apprécier  le fromage aux enfants qui n’en mangent pas*. Je tombe sur les mots suivants, gravés sur la pierre :

« Vous croyez que le chasseur est un pécheur parce qu’il va rarement à l’église. Dans le vert du bois, un regard vers le ciel vaut mieux qu’une fausse prière ». Cela rappelle le vieux débat autour des racines païennes de la passion pour la chasse. Cette affiche a le pouvoir de nous rassurer : chasse et religion  ne sont pas en conflit.

Je pense au pauvre Vincent, qui vient juste de nous quitter**, et je me dis  : pourquoi regarder vers le ciel? Aujourd’hui, pour avoir une expérience d’ordre religieux il suffit de tomber sur un animal prétendu sauvage  . « Les rares personnes qui ont eu la chance de croiser sa route - écrit le journaliste Gilles Varela *** - se souviennent d’un animal hors norme, presque mystique ».

Saint Vincent, prie pour nous.

* Dans mon cas c’était  juste pour la promenade.
 ** « Vincent n’est plus », j’ai lu quelque part. Cf. le blog du premier septembre.
*** https://www.20minutes.fr/planete/animaux/4051337-20230905-doubs-vincent-cerf-plus-beaux-bois-europe-echappe-chasseurs-pendant-vingt-ans

 



2 commentaires:

  1. J’ai eu l’occasion de lire un article de francetvinfo concernant ce même Vincent.

    Les récits de divers témoins sur leur rencontre avec cet animal prestigieux égrènent de façon saisissante les stéréotypes que vous décrivez régulièrement, notamment dans « Faut qu’ça saigne » au paragraphe : L’homme (ou la femme) qui a vu le loup.

    Vous faites le parallèle entre l’apparition de la Vierge et celle de l’animal prestigieux.
    Le supplément d’âme, les attributs physiques exceptionnels, le sacré, le mérite d’être élu, et même les reliques, tout y est.

    Je lis dans le reportage : « … un animal (…) comme une « cathédrale »… », « …24 cors… », Vincent était tellement hors-norme (…) on est touché par la grâce… »,
    « Voir Vincent, ça se méritait », «… il était un peu intouchable. »,
    J’ai trouvé cette année-là ses mues. C’est un moment mythique »

    Et puis on redescend sur Terre avec la conclusion prosaïque de l’Office National des Forêts, composé clairement d´agnostiques : « …Nous n’apportions pas une attention particulière à ce cerf. Les cerfs en forêts de Chaux, ça se compte par centaines, voire milliers ».

    Cela dit, chaque fois que je croise un animal sauvage un peu plus rare qu’un merle, j’ai moi-même irrépressiblement
    ce sentiment de vivre un moment d’exception.









    RépondreSupprimer
  2. Merci pour cette référence à mon bouquin. En fait, je tiens particulièrement à ce constat qui revient de façon obsessionnelle dans mes travaux (à partir de L'utopie de la nature) : la mise en mythe du sauvage va de pair avec sa profanation. La regard enthousiaste et stéréotypé du découvreur de bêtes "singulières" et "magiques", contribue largement à leur banalisation : « J’ai rencontré une star, je suis une star ». La sacralisation du monde sauvage accompagne sa commercialisation.

    RépondreSupprimer