Ce n'est pas parce
que deux messages se ressemblent que leur contenu est forcément identique. Mais cela peut arriver. A première vue,
tout semble séparer l'action antispéciste des performances de Lady Gaga (encore
elle, oui, mais c'est pour la dernière fois ou presque, je le promets). Les
analogies cependant ne manquent
pas. Derrière le bifteck,
comme derrière la peinture rouge, des corps bien humains se donnent à voir. Celui
de Lady Gaga n'a pas besoin de présentations. Ceux des militants pour la cause
animale sont amoncelés comme des
cadavres. Ils représentent un massacre, c'est vrai, mais ils font aussi penser à ces ébats collectifs, pratiqués par les Eskimos et commentés
par Marcel Mauss, qui ont fait
fantasmer des générations de missionnaires. La vision d'un corps féminin à peine dissimulé sous des
tranches de bœuf est offerte aux
lecteurs de Vogue Homme Japan. Des
corps jeunes et beaux sont montrés
aux journalistes et regardés par les passants avec délectation. Dans les deux
cas, on aurait envie de se demander si la mort de l'animal n'est pas détournée à des fins narcissiques : "Je donne mon corps à la
science", dit le philanthrope. "Et moi je
donne mon corps à la morale, dit le zoophile (au sens platonicien du
terme), "ça ne coûte pas grand-chose
et ça peut rapporter gros".
Je trouve vos derniers billets particulièrement percutants, cela donne en effet à réfléchir. Ethnologiquement parlant, dans quel sens interprétez-vous ce genre de mises en scène? (c'est une vrai question)
RépondreSupprimerMerci pour votre question. En fait on vient de me faire remarquer, en privé, que dans ces derniers billets il y a un peu trop de "pathos", ce qui réduit la portée de mes propos. Je ne peux pas le nier. C'est que les blogs, pour moi, sont des lieux où on peut se passer du politiquement correct (en comptant sur la complicité de l'interlocuteur : s'il veut nous descendre parce que "ce n'est pas objectif", rien de plus facile). En tant qu'ethnologue, l'ambiguïté que je crois repérer chez les personnes dont je parle (Lady Gaga et son public, les amis des animaux, les antispécistes, etc.), me trouble particulièrement parce que je pense qu'elle me concerne aussi. Je chercherai à être plus clair dans un prochain billet.
SupprimerJe me suis souvent dit que l'un des intérêts de l'ethnologie était de s'interroger sur ce que l'on trouve "scandaleux" chez l'autre pour finalement parvenir à voir ce qu'il y a de peu avouable dans nos propres manières de faire. Est-ce que je n'ai pas moi aussi tendance à me mettre en scène sous couvert d'agir pour une cause ou une autre? Certainement, si... Mais pourquoi de la viande? Qu'est ce qui fascine dans la viande pour permettre de créer cet effet "boeuf"?
RépondreSupprimerEn repensant à ce que vous écriviez à propos de cette ambiguïté qui vous concernerait aussi je me demandais si l'on ne pouvait pas voir dans cette mise en scène une sorte d'allégorie de l'ethnologie, aussi: se mettre soi même à nu sous couvert d'exhiber le sens caché des agissements de l'"Autre" (au nom de la recherche scientifique cela s'entend...) Je m'écarte un peu du sujet mais c'est un thème qui m'interpelle...le caractère indécent de l'ethnologie.
RépondreSupprimerVous allez bien dans l'esprit de ce blog : "l'animal comme prétexte" et, plus généralement, l'Autre (humain ou animal) comme prétexte pour parler de soi. Squatter l'autre à des fins narcissiques, évidemment, n'est pas le propre de l'ethnologie, qui cherche plutôt à rendre compte de l'altérité. Mais dans l'action de l'ethnologue, effectivement, ce risque est toujours latent. C'est une tentation qui le guette comme une déformation professionnelle.
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