Trophée sarde
Dans ses emplois
rhétoriques l'animal fonctionne comme
un sémaphore, un "porteur de signes" permettant
de lancer les messages les plus disparates ("l'animal pense que... "
"au nom de l'animal je déclare que ..."). Une fois mort, à la limite,
l'animal devient encore plus sémaphorique. Après l'avoir naturalisé, je peux l'exposer
dans un endroit de mon choix, le bichonner, le dépoussiérer régulièrement, converser
avec lui et lui faire dire, justement, tout ce que je veux : que
nous sommes devenus les meilleurs copains, par exemple, ou que les autres, ceux
qui tuent les animaux et qui ne respectent pas l'environnement, sont des grands
méchants.
Autrefois, à la campagne,
les gens exposaient le corps de certains animaux
pour adresser un message à leurs congénères. Ils accrochaient par exemple les
restes d'une corneille à la porte de la grange pour signifier aux autres
corneilles qu'elles n'étaient pas les bienvenues. Cela peut paraître horrible,
avec tout ce que nous savons aujourd'hui
sur l'intelligence des corneilles, mais c'était dans le style de l'époque.
Plus récemment à Ormea (région Piémont), des bergers exaspérés ont accroché une tête de
loup dans le panneau d'affichage de la "Communauté de montagne". Je
pense qu'ils s'adressaient à la fois à administrateurs et aux loups. Cela
voulait dire : "Ici on ne veut pas de loups" (ni
d'administrateurs, par ailleurs)
À en juger de leurs
drapeaux nationaux, les Sardes et les Corses faisaient de même avec les Maures*.
*Je sais que la Sardaigne
et la Corse, pour l'instant, ne sont pas des nations.
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