Comment on doit écorcher un cerf et le dépecer (Gaston Phœbus, Le livre de la chasse,
XIVe siècle)
La mise en scène de la mort animale, j'y reviens souvent et j'y
reviendrai bientôt, constitue une
sorte de constante iconographique.
Elle apparaît dans les témoignages picturaux les plus anciens, elle
traverse l'histoire de l'art jusqu'à nos jours. Autrefois on savourait la scène sanglante sans trop s'interroger sur sa moralité.
Aujourd'hui on continue à la montrer,
mais pour la dénoncer. Ce n'est
plus la même chose, manifestement, mais pour saisir la différence, parfois,
nous avons besoin d'une légende, d'une
explication. Sans connaître les motivations des différents auteurs, des
visiteurs venus d'une autre planète trouveraient peut-être des continuités là
où nous voyons des ruptures radicales.
Je veux dire qu'ils pourraient repérer la même obsession pour l'acte de
prédation, la même fascination pour
le spectacle de la bête mourante chez les peintres de la grotte Chauvet,
chez Gaston Phœbus, chez
Alexandre-François Desportes, chez Pablo Picasso, chez Brigitte Bardot, qui
expose volontiers, dans le site de
sa fondation, des images de sévices infligées aux non-humains - pour ne pas parler de l'association L214 qui, en matière de spectacularisation des scènes sanglantes, dépasse de loin
l'efficacité de la corrida. Grâce à L214 je peux visionner des images
insoutenables la conscience tranquille, puisque c'est pour la bonne cause*.
*Il va sans dire que ces visiteurs extraterrestres mettraient aussi dans le même sac
l'anthropologue-pornographe responsable de ce blog (pornographe parce que la
représentation de la bête mourante, avec son pouvoir d'attraction instinctif, "éthologique", est une forme de pornographie).
Je profite de cette occasion pour annoncer notre séminaire de lundi
prochain :
Séminaire EHESS - IIAC-Centre Edgar
Morin
L'appropriation de la nature entre
remords et mauvaise foi : la prédation comme spectacle
27 février - de 15h à 17h - salle
10 (105 bd Raspail, 75006 Paris)
Claude d'Anthenaise
L’image interdite
Lorsque, au milieu des
années 60, François Sommer décide de créer un musée consacré à la chasse, la
société française reste encore proche de ses racines rurales - la mort de
l’animal, le spectacle de la prédation, n’offensent guère la sensibilité du
public. Les collections qu’il réunit à cette fin - œuvres d’art, trophées et
armes - se contentent de témoigner d’une activité immémoriale, sans chercher à
la justifier.
Quarante années plus tard,
une incompréhension s’est installée entre le public urbain et les chasseurs.
Tuer les animaux par plaisir passe aux yeux du plus grand nombre pour une
activité incompréhensible, si ce n’est répréhensible. C’est dans ce contexte
que le musée de la Chasse et de la Nature doit se réorganiser pour aller à la
rencontre des attentes du public.
Recourant aux
détournements, à la poésie, au jeu, voire à l’humour, la muséographie tend à
faire des nouvelles salles d’exposition une sorte de terrain de chasse
imaginaire. Elle suscite un climat émotionnel propice à dépasser les
oppositions frontales entre chasseurs et opposants à la chasse=.. Elle vise
moins à conforter des certitudes qu’à susciter un questionnement. Dans un
contexte que l’on voudrait apaisé à défaut d’être consensuel, le spectacle de
la prédation n’est pourtant pas escamoté. La mort animale est bien présente,
notamment à travers les expositions temporaires qui font une large place à
l’art contemporain. L’accueil réservé à cette programmation artistique est
contrasté. Si elle semble favoriser le ralliement du public de l’art
contemporain, elle éveille en même temps une certaine crainte auprès des
chasseurs. Pour ceux-ci, la mort de l’animal, qui est pourtant au cœur de leur
pratique, doit rester une image interdite et l’évocation artistique de la
chasse doit se faire selon des critères esthétiques précis et contraires à
toute innovation. La direction de ce musée voué au sujet polémique de la
prédation doit donc alterner les exercices de communication et de pédagogie
envers les tenants et les opposants à cette pratique.
Cet été, je regardais jouer un gamin encore trop jeune pour savoir que
RépondreSupprimertuer et faire souffrir un animal c'est "mal". Il avait saisi un
papillon par les ailes, je crois qu'il essayait de les lui arracher.
Cela me rappelait les après-midi d'automne passés à chasser les
"cousins" (Tipula sp.) pour les lancer dans les toiles des épeires
pour regarder ces dernières fondre sur leurs proies et les embobiner
dans leur fil après leur avoir donné le coup de grâce. Ou mon cousin
(germain) qui embrochait les têtards de crapauds sur des branchettes
ou qui en faisait des "marmelades" (c'est à dire qu'il en "pêchait"
tellement qu'il n'y avait plus une goutte d'eau dans les récipients
dont on se servait pour les maintenir captifs (oui, je n'étais pas le
"cerveau" mais c'est peut-être pire: j'étais complice) jusqu'à ce
qu'ils prennent un aspect de confiture...et papy de crier depuis le
jardin "j'espère que vous ne faites pas de misères aux têtards!" ben
voyons...