mardi 11 décembre 2018

La naïade, le gastronome, et la liberté de la presse



Je me souviens de l’époque où Libération consacrait à la corrida des pages entières avec des commentaires dignes d’un  aficionado. Peu charmé par l’art tauromachique, je trouvais néanmoins l’initiative courageuse. Et je trouve tout aussi courageuse la manière voluptueuse, à la limite de la provocation, avec laquelle Jacky Durand, dans ce même quotidien,  tisse les éloges du « Noir de Bigorre », un porc aux propriétés gustatives hors du commun :

« On est chez Patrick Escudé et les siens, éleveurs de ce cochon doux comme un agneau  et soyeux comme une naïade. La viande grésille sur la plancha tandis qu’on se régale de préliminaires : sur une tartine chaude débarque la ventrêche, l’habit de lumière de ce porc au gras généreux et savoureux comme un sein lourd.  Les papilles s’y enfoncent dans un sous-bois tiède rempli des parfums de fruits secs. Il y a un fromage de tête à vous faire tourner la boule … »*.

J’ai de la chance, me suis-je dit, je vis à une époque où l’on peut encore parler des animaux sous l’angle gastronomique. Est-ce que dans dix ans ce sera toujours vrai ?


*  Jacky Durand (photos de Guillaume Rivière) « Le noir de Bigorre. Au nom du porc », in  Libération, 24 et 25 novembre 2018, p. 54-55

2 commentaires:

  1. On voit des habits de lumière un peu partout en ce moment, de ceux qui veulent un combat moins inégal et donner leur avis sur la sauce à laquelle on les mangera.
    Peut-être annoncent-ils l’Âge d’Or, après tout ?
    De temps en temps, je fais ma crise d’optimisme.

    “Le pessimiste est celui qui, entre deux maux, choisit les deux”. Oscar Wilde.


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    1. Entre deux biens, j’aurais tendance à choisir les deux : être en paix avec les animaux et continuer à les manger. Mais c’est la quadrature du cercle.

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