Je me souviens de l’époque où Libération consacrait à la corrida des
pages entières avec des commentaires dignes d’un aficionado. Peu charmé
par l’art tauromachique, je trouvais néanmoins l’initiative courageuse. Et je trouve tout aussi courageuse
la manière voluptueuse, à la limite de la provocation, avec laquelle Jacky
Durand, dans ce même quotidien, tisse les éloges du « Noir de Bigorre », un porc
aux propriétés gustatives hors du commun :
« On est chez Patrick Escudé et les
siens, éleveurs de ce cochon doux comme un agneau et soyeux comme une naïade. La viande grésille sur la
plancha tandis qu’on se régale de préliminaires : sur une tartine chaude
débarque la ventrêche, l’habit de lumière de ce porc au gras généreux et
savoureux comme un sein lourd. Les
papilles s’y enfoncent dans un sous-bois tiède rempli des parfums de fruits
secs. Il y a un fromage de tête à vous faire tourner la boule … »*.
J’ai de la chance, me suis-je dit, je vis à
une époque où l’on peut encore parler des animaux sous l’angle gastronomique.
Est-ce que dans dix ans ce sera toujours vrai ?
* Jacky Durand (photos de Guillaume
Rivière) « Le noir de Bigorre. Au nom du porc », in Libération,
24 et 25 novembre 2018, p. 54-55
On voit des habits de lumière un peu partout en ce moment, de ceux qui veulent un combat moins inégal et donner leur avis sur la sauce à laquelle on les mangera.
RépondreSupprimerPeut-être annoncent-ils l’Âge d’Or, après tout ?
De temps en temps, je fais ma crise d’optimisme.
“Le pessimiste est celui qui, entre deux maux, choisit les deux”. Oscar Wilde.
Entre deux biens, j’aurais tendance à choisir les deux : être en paix avec les animaux et continuer à les manger. Mais c’est la quadrature du cercle.
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