Sans le vouloir, j’ai réussi un tour de magie tout à fait comparable. J’ai beau ironiser sur mon père qui répandait les cyprès aux pieds des Dolomites, j’ai été son complice. Pour délimiter la partie ensoleillée de notre jardin nous avions installé une rangée de sapins**. Les sapins, on le sait, sont à l’aise à partir d’une certaine altitude et il ne faut pas les coller les uns aux autres. Les nôtres poussaient à basse altitude et s’épaulaient mutuellement comme des ivrognes. Je les contemplais à partir de la fenêtre d’où mon père épiait le merle. Il y en avait un, tout au milieu, qui me dérangeait. Il empêchait, me disais-je, d’accéder à la zone ombragée. Mais c’était un prétexte, je crois, car personne ne se rendait jamais dans cette friche. En le fixant je pensais : « Toi, tôt ou tard, je vais te couper ». Il doit avoir compris. De retour à la maison pour les vacances d’été, j’ai remarqué tout de suite la grosse tache jaune qui contrastait avec le vert-foncé de la paroi végétale. C’était lui. Mort de chagrin, vraisemblablement.
* Ernesto de Martino Le monde magique, Paris : Les empêcheurs de penser en rond, Institut d'édition Sanofi Synthélabo1999 – Avec une très longue postface, éclairante et incontournable de Silvia Mancini.
** Je parle de ce jardin comme s’il était grand, alors qu’il est vraiment minuscule.
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