L'if et ses baies
Le jardinier/démiurge croit donner une forme à son jardin sur la base d’un dessein qui lui est propre ou qu'il a hérité de ses ancêtres*. Mais est-il vraiment le maître du jeu ? Ne serait-il pas, à son insu, l’exécuteur d’un plan d'aménagement qui le dépasse ? J’y pense à propos de l’if qui prend de plus en plus d’espace au fond du jardin. Il est né tout seul dans l’arrière-pays breton, près d’une maison qui défend sa frontière en opposant des parterres fleuris à l'avancée des chênes et des chataigners. Lors de notre rencontre il était grand comme une cigarette et, pour passer inaperçu, il faisait semblant d’être un muguet. Je l’ai repéré facilement.
J’ai toujours admiré les ifs. Enfant, j’étais impressionné par leur longévité (trois mille ans, parfois. La longévité du noyer, en comparaison, est une sorte de sénilité précoce), et je mangeais avec nonchalance ses baies gélatineuses. Elles sont toxiques, c’est vrai, mais il suffit de cracher les noyaux (et en tout cas les enfants, on le sait, ne craignent rien ...). J’ai transféré l’if dans un pot et, dès mon premier retour en Italie, je l’ai planté dans le jardin. Lors de mes appels téléphoniques ma mère savait que je demanderais de ses nouvelles. Et elle anticipait ma question : « Madame Collovini, hélas … . Et ton ancien prof de musique aussi … . Mais l’if va très bien ». Maintenant il est grand et exubérant (cela mériterait un détour).
Cet if n’est pas arrivé dans le jardin grâce à moi. Il s’est servi de moi pour revenir chez lui. L’endroit où je l’ai placé (tout à fait inconsciemment) se trouve à quelques mètres du lieu où poussait un if centenaire dont j’avais oublié l’existence**. Morale : dans cet endroit précis il était prévu qu’il y ait un if, un point c’est tout.
*Avec quelques innovations ici et là, que certains ancêtres apprécieront, d’autres pas.
** Une plante vénérable abattue par la municipalité pour des raisons sans doute
valables.
If you were yew.
RépondreSupprimerTrès belle chronique..On redoute qu’elle s’arrête quand vient la fin de l’été.
Avec des si on refait le monde, avec des if on le reconstruit! Hervé A.
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