jeudi 28 octobre 2021

Faut-il abolir la chasse ? Autour de la propriété morale des espaces alpins (2 sur 3)

 

 

L'image du paysan/bandit que je viens d'évoquer dans le billet précédent et que je reproduis ici,  me paraît suffisamment ambiguë pour mériter un commentaire. Je reviens donc sur mon article* :

 

" Du point de vue moral, le droit de s'opposer, ne serait-ce que chez soi, à la mise à mort des animaux sauvages, semble une évidence difficilement contestable. L'idée d'employer une image forte pour dénoncer une pratique collective considérée comme cruelle et injustifiée est, bien évidemment, tout aussi légitime. Mais si l'on considère les choses en perspective, trancher devient plus difficile. La photo en question, en fait, n'a pas la même signification pour tout le monde. L'historien des sociétés rurales, par exemple, pourrait y voir l'épilogue du long processus qui a mené au démantèlement de la civilisation paysanne et, plus particulièrement, des usages ruraux, ces droits gardés pendant des siècles et rapidement perdus au cours des dernières décennies. L'avocat appelé à défendre le « bandit » pourrait organiser sa harangue en soulignant le paradoxe de cette mise au ban : « Poussé à quitter la campagne pour des raisons historiques bien connues, après avoir vendu sa ferme et s'être résigné à l'urbanisation, l'acteur social décrit dans la photo - parce que c'est de lui, au fond, qu'il s'agit - est aujourd'hui criminalise au sens littéral : « Bannissons-le de nos terres », clament le néo-rural à peine débarqué dans la région, le cycliste tout-terrain, le bio-restaurateur qui vient d'acheter et de restaurer son domaine en ruine « Bannissons-le, puisque du point de vue moral il s'agit d'un vrai bandit ». L'iconographie publicitaire suit cette même tendance, en nous présentant des allégories de la « campagne nouvelle » émondée de toute souillure humaine. On y voit, par exemple, des vélos tout terrain, avatars mécaniques du vieux destrier, nous rappelant dans la légende qui les accompagne (légende au double sens du mot) la « royauté » de leurs propriétaires. (À suivre).

 

* « Mauvais indigènes et touristes éclairés. Sur la propriété morale de la nature dans les Alpes » (Revue de Géographie Alpine Année 2003 91-2 pp. 9-25).

 


1 commentaire:

  1. Je vais m’éloigner de la figure du chasseur pour ne considérer que le « paysan ».
    Le paradoxe, c’est qu’il était « bio » depuis toujours.
    Et puis les gens qui savent, promoteurs de l’agriculture productiviste l’ont ringardisé.
    Alors il s’est mis à empoisonner la planète sans se ménager.
    Aujourd’hui les gens qui savent ont changé d’avis…
    La chasse a peut-être de beaux jours devant elle.

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