lundi 4 octobre 2021

Qui est le pitre ?

 

Le Bouffon au luth de Frans Hals (1582-1666)

 

Je songe aux libertés que je m’octroie  dans ce blog et je pense aux réactions éventuelles des plus rigoureux parmi mes collègues (s'ils devaient tomber dessus, ce qui est peu probable). Ils diraient que mes divagations ne sont pas dignes  d’un vrai chercheur  : « Vous voyez ce qu’il écrit  dans son blog? C’est un pitre ! C’est un rigolo ! Soyons sérieux !». Je pourrais me défendre en rappelant que je fais imploser ma pitrerie dans un cadre non-académique, et que ça ne les regarde pas.  Mais j’ai d’autres arguments.   Depuis un long moment, dans un contexte moins confidentiel, j’insiste sur la nécessité que le chercheur dévoile son arrière plan idéologique et émotionnel (son  point de vue, ses passions) pour mieux objectiver ce dont il parle*. C’est bien ce que je fais dans mon blog, qui permet au lecteur qui aurait envie de lire mes articles ou mes ouvrages  de faire la part entre mes orientations personnelles (ma carnivorité, mon antipathie pour ceux qui aiment donner des ordres, ma méfiance vis-à-vis des gestionnaires du discours sur la nature…) et les réalités que je cherche à reconstituer.

 

Je pense que le vrai pitre est celui qui se cache derrière une prétendue « neutralité du chercheur » purement chimérique.

 

* Je n’ai rien inventé, bien entendu, que l’on songe aux réflexions d’Ernesto De Martino, de Georges Devereux, de Jeanne Favret Saada et il y en a plein d’autres. Cf., à ce propos mes articles :  " ‘Équation personnelle’ et statut de l’observateur dans la tradition ethnologique”, Sociologie du Sud-Est, Aix-en-Provence, 59/62 : 7-26., 1990., « Je interdit ». Le regard presbyte de l’ethnologue, in (Georges Ravis-Giordani éd.), Ethnologie(s). Paris, CTHS, p. 18-40. 2008

3 commentaires:

  1. C'est votre "double comptabilité"? Peut-être que s'il avait vécu aujourd'hui Malinowski aurait tenu un blog et tous les étudiants de première année pourraient citer parmi leurs références bibliographiques un "Blog d'ethnographe". Comme à défaut de réussir à faire de la véritable ethnologie je ne parviens à écrire que sur le mode de l'autobiographie romanesque je me reconnais dans ce que vous écrivez et ne peux pas m'empêcher d'ajouter un mot à votre post...

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  2. Vous avez raison, c’est de la « double comptabilité ». Quant, à Malinowski, il aurait tenu un blog, peut-être, mais on l’aurait publié posthume.L'autobiographie romanesque est tout ce qu'il nous faut pour vivre heureux.

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  3. J'ai tendance à penser que la satire est une des armes intellectuelles les plus efficaces, et bien souvent la seule dont on dispose contre la sottise contente d'elle-même. Elle est un procédé rigoureux et pertinent. Je ne crois pas du tout qu'il s'agisse d'une pause dans la réflexion, d'un jeu de pitre ou d'une oeuvre parallèle gagnant à être posthume, ou à ne pas être du tout.

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