samedi 23 octobre 2021

La fièvre du ramasseur

  

C‘est la saison des champignons. Je les cueille avec plaisir et, très infantilement, j'aimerais être le seul. Voilà ce que j'écrivais il y a une dizaine d'années pour pousser mes antagonistes  à rester chez eux :


  « En fait, plusieurs facteurs tels que la mode du bio et des médecines alternatives, la demande croissante des restaurants, la facilité des déplacements, la paupérisation de certaines catégories sociales, sont à l’origine d’une véritable « fièvre du ramasseur », sorte de « libido depraedandi » qui est en train de changer le statut même de ces activités. Cette ardeur à la fois utilitaire et taxinomique (avant d’engranger on reconnaît, on classe …) qui attire dans les fourrés une allègre compagnie de ramasseurs improvisés, n’est pas sans effets collatéraux : pendant les premiers jours d’octobre 2010, pour ne faire qu’un exemple, l’hôpital Niguarda, à Milan,  spécialisé dans les intoxications alimentaires, a reçu 102 « dilettantes » qui s’étaient trompés sur la famille des champignons qu’ils venaient d’ingurgiter.  Entre janvier et septembre de cette même année, 43 personnes ont trouvé la mort au cours du ramassage des champignons (18 dans les Alpes en 10 jours seulement).  Il s’agissait de promeneurs chevronnés, de villageois malchanceux mais aussi de banlieusards inexpérimentés ou de retraités mal équipés que l’on a retrouvé au bas d’une falaise ou dans le ravin  où ils s’étaient égarés dans l’euphorie de la « chasse au trésor » (sans parler des cibles de quelques  chasseurs s’étant trompé non pas de « famille », dans ce cas, mais d’ « espèce »).

(Tiré de mon ouvrage : Le retour du prédateur. Mises en scène du sauvage dans la société post-rurale, PUR, 2011, p. 66-67).

UBO

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