dimanche 4 décembre 2022

Des cerfs dans notre baignoire ? (À propos du rewilding)

 


Les cerfs et les loups, dans les Alpes, se sont mis à pulluler. N'est-ce pas génial?

(Suite du post précédent). « Il y a encore cinquante ans, assis au même café, nous aurions pu entendre quelques propriétaires terriens se plaindre des étourneaux qui ravageaient leurs récoltes, des notables campagnards vantant les captures de leur « roccolo », gigantesque piège végétal pouvant  produire quinze mille pièces par an  entre pinçons, grives, et chardonnerets (pour ne pas parler des verdiers, des gros-becs, des becs-croisés …). Dans les auberges, en automne, on aurait eu droit à la « polenta e osèi » (polenta aux petits oiseaux, bestioles succulentes dont les vrais connaisseurs ne laissaient dans l’assiette que le bec). Les membres de la ligue pour la protection des oiseaux (c’est un anachronisme), auraient pu se rabattre sur un civet de lièvre ou autre gibier fourni aux restaurateurs par les chasseurs et les paysans du coin (très habiles, ces derniers,  dans l’art du piégeage, sans disposer pour autant du moindre brevet ou permis de chasse).

          Entre-temps, dans le laps de quelques décennies, le démantèlement de la civilisation rurale s’est parachevé. C’est l’épilogue d’une histoire millénaire : la déprise agricole et l’industrialisation de la campagne, pour dire les choses avec emphase, ont mis fin aux derniers rayonnements de la civilisation néolithique. La conception du monde donnant la priorité aux  espèces (et aux espaces) domestiques a perdu sa légitimité. Il nous paraît normal, aujourd’hui,  de saluer avec enthousiasme le retour de la forêt, de regarder avec sympathie le pigeon qui convoite notre apéritif, le blaireau qui fouille dans notre poubelle, le renard qui traverse la rue avec la nonchalance d’un chien de cirque ».  (Le retour du prédateur PUR 2011, p.) (À suivre)

 

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