(Suite) J’assiste au défilé en
songeant au rôle de défouloir rempli par le Carnaval et je m’interroge sur la
manière locale d’imaginer la transgression.
Si l’Homme Sauvage est transgressif, c’est qu’il n’est pas domestique, cela
va de soi. Pour d’autres personnages le côté « monde à l’envers » est
moins facile à déceler. Il me faudrait l’appui d’un exégète du coin, mais je
suis là en touriste et tout va très vite. Le fossoyeur est transgressif parce
qu’il tourne en caricature ce qui, hors du cadre carnavalesque, ne fait pas rire du
tout. La policière l’est aussi parce que, en principe, on ne rigole pas avec les
lois de l’État*. Je remarque un jeune homme aux cheveux longs à l’allure christique
qui danse avec une vieille (quelqu’un qui porte le masque d’une vieille, pour
être précis). On pourrait y voir – mais ce n’est que dans ma tête, je le crains - l’allégorie
d’une transgression fort redoutée par les communautés montagnardes : le
mariage entre partenaires n’appartenant pas à la même classe d’âge. Quant à la
nourrice, je crois avoir vu quelqu’un lui toucher les seins (artificiels, a
priori), mais c’est peut-être un geste propitiatoire, comme toucher la bosse du
bossu, dont on a annoncé la présence dans le défilé mais que je n’ai pas croisé. Là où le manquement
aux normes est flagrant, c’est chez un personnage que je vois pour la première
fois, habillé en copeaux de bois, qui fourre son doigt dans le nez et puis le frotte,
nonchalant, sur le dos des passants. Rien de particulièrement séditieux, au
bout du compte. Nous quittons le cortège pour nous aventurer dans la partie
moins tolkiénienne du bourg, avec des maisons plus récentes en style montagnard (À suivre).
* Ce qui prouve, de la part de l’État, un faible sens de la réciprocité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire