Est-ce que les ancêtres ont le
pouvoir d’interférer dans notre vie ? Ailleurs c’est une évidence, la
question ne se pose même pas. Chez nous c’est différent. Parfois on dirait qu’ils
existent bel et bien, et qu’ils font des petits gestes (ou grands, peut-être,
mais qui passent inaperçus). Plus généralement, on dirait qu’ils regardent
impuissants : « Ça alors ! … mais ce n’est pas possible, je n’aurais
jamais cru … c'est indigne ... il faudrait faire quelque chose ! ». Ils voudraient
intervenir, gronder, châtier, mais ils ne peuvent pas. C’est ainsi que, n’ayant
rien à craindre, nous sommes libres de les décevoir et même de
les trahir.
Dans d’autres sociétés on craint
la vengeance non seulement des ancêtres,
mais aussi des animaux :
« On s’excusait de l’acte
qu’on allait accomplir, on gémissait de la mort de la bête, on la pleurait
comme un parent. On lui demandait pardon avant de la frapper. On s’adressait au
reste de l’espèce à laquelle elle appartenait comme à un vaste clan familial
que l’on suppliait de ne pas venger le dommage qui allait lui être causé dans
la personne d’un de ses membres. Sous l’influence des mêmes idées, il arrivait
que l’auteur du meurtre était puni ; on le frappait ou on l’exilait »
(H.Hubert et M.Mauss, Essai sur la nature
et la fonction du sacrifice dans M. Mauss, Œuvres, I, Paris 1968, pp.
233-234).
« Monsieur » meurt. Le majordome répond aux incessants appels téléphoniques et on l’entend répéter « le « mort ceci...le mort cela... ».
RépondreSupprimer« Madame » le convoque, outrée, et lui indique qu’il s’agit de « Monsieur », et pas du « mort ».
On sonne, le majordome va ouvrir.
Madame demande de quoi il s’agit :
«C’est le croque-monsieur, Madame. »