vendredi 8 juillet 2022

La place de l’anthropologue et les ours transalpins. À propos du cycle de rencontres BorderLine (Toulouse, 7 juillet).


Inutile de nourrir les ours, ils y pensent tout seuls

Ça a été passionnant, hier, de participer à la table ronde organisée par la Mission Agrobiosciences-Inrae en coproduction avec le Quai des Savoirs autour de l’évolution de nos rapports à la faune sauvage. J’ai été heureux de pouvoir m’exprimer librement sur un thème si délicat.  Pendant que j’écoutais les intervenants je me demandais : mais au fond, quelle est la tâche de l’anthropologue ? Il n’est pas là pour faire des suggestions techniques, évidemment*, il n’est pas là pour dissiper les anciennes croyances et nous ouvrir les yeux sur le devenir de la planète. Il n’est pas là non plus pour évaluer la tenue philosophique d’un concept, ni pour nous proposer des stratégies de cohabitation avec des animaux sauvages, semi-sauvages, enclins au marronage, opportunistes, anthropophiles, solitaires, etc.  Sa tâche, au bout du compte, est de reconstituer des visions du monde, même si elles sont « dépassées », et de décrire leur cohérence, leur légitimité et leur influence – influence qui va bien au delà du mythique et de l’imaginaire - sur les comportements concrets. J’y ai pensé par rapport aux ours italiens, par exemple, qui d’après les « gens du coin » ne sont plus ce qu’ils étaient.  Les « gens du coin » sont des minorités autochtones  de moins en moins significatives, en train de disparaître à la même vitesse que les glaciers sur les Dolomites. Inutile, donc, de leur expliquer le caractère déplacé (sur le plan éthique et écologique) de leur « zoologie fantastique ». Voici comment je décrivais leur perception des changements faunistiques il y a une dizaine d'années :

 

Je concluais ce passage par la considération suivante : "Qui puise davantage dans l'imaginaire folklorique? Les éthologues qui mettent l'accent sur le végérarisme de l'ours (ce plantigrade débonnaire qui pille les ruches et visite les pommiers) ou les éleveurs, qui attirent l'attention (en faisant de l'alarmisme, peut-être) sur ses penchants de carnassier?"


(Extrait de mon ouvrage Le retour du prédateur. Mises en scène du sauvage dans la société post-rurale, Presses Universitaires de Rennes, 2011, pp. 104-105)
 

* en tant que citoyen, à la limite, mais comme tous les autres.

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