samedi 30 mars 2024

Amalgames d'État. Tous antisémites?

 

Prestidigitateur en train de détourner l'attention de son public

J’insiste : identifier un peuple à ses dirigeants politiques, comme si on parlait d'une "race", est une faute grave à la fois moralement et intellectuellement. Traiter d’antisémites les étudiants français qui critiquent les agissement du gouvernement de Benyamin Netanyahou est tout aussi irresponsable que mettre sur le même plan Hamas et la population palestinienne.

Dans la préface à mon ouvrage L’éloquence des bêtes je faisais la différence, en choisissant mes mots, entre un gouvernement et une "race":

« Bien qu’infondé, le préjugé selon lequel l’amateur d’animaux n'aimerait pas les hommes recèle un soupçon qui l'est peut-être un peu moins : celui (…) que l'intérêt pour la cause animale ne soit parfois qu'un prétexte[1], un alibi permettant de se mettre en scène, de délégitimer les autres, mais aussi de détourner l'attention de quelque chose que nous préférons cacher.   Un événement exemplaire nous permettra d'illustrer cette idée. Au mois de février 2001, les visiteurs du site Web de la chaîne de télévision  Msnbc News étaient censés choisir la plus significative parmi les images « fortes » récemment diffusées par les médias. Pendant les trois premières semaines, le cliché gagnant, avec beaucoup de marge sur ses rivaux, a été celui, tristement célèbre, d'un jeune palestinien  accroché à son père juste avant d'être abattu par l'armée israélienne. Quelques semaines plus tard, après une campagne e-mail à l’initiative des  sympathisants du gouvernement Sharon, deux nouvelles images avaient remplacé la précédente : la première était le portrait d'un chien qui a perdu ses pattes postérieures.  C’est celle-là qui a gagné le concours. La deuxième, suivie par d'autres reproductions d'animaux, immortalisait un autre chien en train de brûler[2]*.

Le sacrifice animal, dans ce cas, ne remplace pas le sacrifice humain, il sert tout juste à l'occulter. Nous sommes aux antipodes des fables d’Ésope ou des sermons de Saint François : l’animal, ici,  loin de nous aider à réfléchir sur les conduites des hommes,  est mis au premier plan pour nous les faire oublier ». (L’éloquence des bêtes.  Quand l’homme parle des animaux, Paris, Métailié, 2006, pp.19-20).



[1] Inutile de préciser que pour établir ce genre de constats il faudrait connaître l' « éthologie » de l'amateur d'animaux. Voici un beau sujet pour apprentis ethnologues désireux de  développer leurs compétences en matière d’ « Observation participante ».

[2] D’après un article de Dean E. Murphy  paru dans le New York Times et repris par le quotidien La Repubblica du 4 mars 2001, p. 16

1 commentaire:

  1. Et votre préface a presque 20 ans !! Elle est d’actualité… hélas.
    «Toujours et partout, dans le camp terrestre, le même drame, le même décor, sur la même scène étroite […]. L'univers se répète sans fin et piaffe sur place» (1), écrivait le conspirateur socialiste Auguste Blanqui dans l'Eternité par les astres en 1872.
    Nicole Juin

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