dimanche 24 mars 2024

La déconstruction du mal (phallocrates et phallophobes)

 


 

  

Cliché SDB

 

Il y a quelques temps, une revue avec laquelle j'ai eu le plaisir de collaborer a refusé mon article consacré aux barbecues. J'y parlais de la viande, mais aussi de genres et de virilité. Le sujet, m’a-t-on expliqué, était trop complexe pour être traité en 3500 signes espaces compris (c’est vrai que les barbecues deviennent de plus en plus encombrants). Ayant trouvé l'argument jésuitique, oui, mais incontestable, j'ai proposé mon papier ailleurs.

J’y pensais l’autre jour en visitant l’église paroissiale de Saint-Michel-en-grève. En regardant vers le haut,  au sommet du retable, l’œil m’est tombé sur une statue représentant le diable, complètement déshabillé,  terrassé par un Saint Michel convenablement vêtu. Et qu’ai-je vu entre les jambes du diable ? Un serpent. Ah non, ce n'était pas un serpent, c'était un phallus à tête de serpent.

C’est une manière comme une autre de figurer le dragon, dira-t-on. Mais on peut s'étonner  que, pendant de très longues années, l’Église ait offert au regard des fidèles cette reproduction assez réaliste, juste un peu maquillée, du sexe masculin. Les messes, autrefois, ne finissaient jamais. Et je pense aux grenouilles de bénitier, aux enfants de choeur, aux mamans vérécondes et  aux bons pères de famille tiraillés  entre le devoir d'acquiescer au sermon du curé et la tentation de lancer un regard furtif vers l’abominable.

Quel message symbolise ce serpent anthropomorphe ? La lutte contre le mal, bien évidemment.  Et quel est le mal par définition ? J’interprète la sculpture : c’est la sexualité masculine.  La lutte contre le mal, dans cette perspective, devient la lutte contre le mâle*.

 

*Mon article a été publié dans le n. 91 de la revue La Grande Oreille. Une version plus courte est accessible dans ce blog.  Je rappelle mon horreur pour les phallocrates, dont l’idéologie et les agissements machistes alimentent toute une série de généralisations arbitraires.  

5 commentaires:

  1. Vous me faites penser à Arnaud Montebourg, victime d’une fourberie similaire après avoir donné au Conseil d’Etat un avis à charge sur son rôle actif dans la considérable perte de souveraineté de la France.
    Il a été informé que sa note, promise à « alimenter de façon fort utile »la réflexion du Conseil d’État, ne figurerait pas dans le rapport, celui-ci étant fermé à toute « contribution externe ».*

    *Hadrien Mathoux, journal Marianne 25/03/24

    Armelle Sêpa

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  2. C'est une référence assez complexe, pour un Transalpin comme moi. Cependant, étant question de "langue de bois", je crois saisir le parallélisme.

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  3. En tirant bien par les cheveux, on peut distinguer un autre parallèle, dans une certaine perte de souveraineté (dans le sens de maîtrise de son destin).
    Arnaud Montebourg évoque une « mutilation juridique » qui permet au Conseil d’Etat de faire prévaloir les règles supranationales sur les nationales, aux dépens du respect démocratique, dans une tentation de prise de pouvoir par les juges sur le législatif..
    Dans notre société d’aujourd’hui, nous en avons déjà parlé sur votre blog, on associe volontiers , comme sur la fascinante représentation du dragon de votre photo, le Mal au Mâle.
    Et dans la lutte (légitime) contre le harcèlement sexuel, la présomption d’innocence est aujourd’hui abusivement abolie de fait.

    Armelle Sêpa.

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  4. Soyons optimistes : les choses, en matière d'uniformisation du discours par les instances gouvernementales, vont sans doute s'améliorer.

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  5. Pensée directement inspirée de ce post:
    Le malin se fait la malle quand le mâle se fait mal.
    (question de fierté masculine)

    Hervé A.

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