Pas beaucoup d'idées, ce soir. Seulement l'image de ce chien anthropomorphe qui ne demande aucun commentaire*.
* Ni le mérite : canins ou pas, je n'ai aucune sympathie pour les "vieux de la vieille".
Pas beaucoup d'idées, ce soir. Seulement l'image de ce chien anthropomorphe qui ne demande aucun commentaire*.
* Ni le mérite : canins ou pas, je n'ai aucune sympathie pour les "vieux de la vieille".
On a du mal à réaliser la vitesse à laquelle la question
animale, en quelques années, s’est installée au cœur du débat anthropologique.
Nous en parlerons mercredi prochain dans le cadre des deux "Journées des formations de la Société d'Ethnologie Française" qui auront lieu au Musée du Quai Branly le 28 et le 29 mai.
Derrière chaque pitbull qui mord il y a une démonstration ratée. « Tu vois, tous ces gens qui pensent que le pitbull est dangereux … c’est vrai, mais seulement si on ne sait pas s’y prendre. Moi je sais comment faire et je vais te le prouver. Ce n’est pas un problème de chiens, c’est un problème de maîtres, c’est scientifique. Et ceux qui pensent le contraire sont des racistes. Les juges, d’ailleurs, qui prévoient la possibilité de réhabiliter les chiens qui ont fauté, l’ont bien compris ».
Après le fait divers que j’ai commenté le 11 mai, Michele, un bébé de 5 mois, a été tué par un pitbull à Vercelli. Deux enfants agressés respectivement à Pompei et à Milan par le pitbull de famille s’en sont sortis par miracle, avec juste des blessures.
Dire que les propriétaires de pitbulls appartiennent à une même catégorie serait une aberration sociologique*. Avoir un pitbull - diront les protecteurs de ce conglomérat de muscles et de passions mal réprimées - est juste une manière parmi d'autres d’être dans le monde. Ce n'est pas la mienne.
* Dans la version précédente de ce post j’envisageais l’existence de toute une série de propriétaires de pitbulls poétiques, lunaires, non-violents … De peur que l’on me prenne au sérieux, j’ai éliminé ce passage. J’avais aussi qualifié le pitbull de serial-killer. Trop facile.
Aucune réaction à mon dernier billet. C’est la preuve que les
6 à 8 Israéliens qui visitent quotidiennement mon blog n’existent pas. Des robots,
peut-être, ou un moteur de recherche programmé sur un mot clé. C’est triste. S'il s'agissait des services secrets, au
moins … mais il y a peu de chances. J’ai beau parler fort, avec 15 milliards d'oreilles au niveau planétaire prêtes à écouter nos bavardages. J'ai beau gesticuler.
Je reviens sur les identités nationales (présumées) des lecteurs de mon blog et sur leurs mystères. Depuis un moment j’ai le plaisir d’être visité par quelques Israéliens - une moyenne de 6 internautes par jour. Je cherche à comprendre les raisons qui, tout à coup, les ont poussés à suivre mon blog. J’en ai parlé à une amie : « Ça me fait vraiment plaisir, il s’agit sans doute des Israéliens avec qui je solidarise, ceux qui, meurtris par le massacre terroriste dont ils ont été victimes*, ne se reconnaissent pas cependant dans la politique expansionniste et dans les excès inhumains perpétrés par leur gouvernement. Ils trouvent que ma question (« Suis-je donc antisémite ? »**) est pertinente, même si elle n’a rien à voir avec le thème du blog, et attendent peut-être la suite.
Elle m’a répondu : « T’es sûr que tu n’es pas surveillé par le Mossad ? ». Je me suis dit : « Quelle rabat-joie ! ». Et après j’ai pensé : « Quelques lecteurs en plus, finalement ».
* Le terroriste étant celui qui tue à l’aveuglette pour semer la terreur.
* Cf. mon post du 11 décembre 2023. Je me considère aux antipodes de Madame Meloni et de ses électeurs. Suis-je donc un anti-italien ?
(Suite et fin). Comme je le disais dans
le billet précédent, la formule « d’origine noble » pour désigner le
responsable d'une agression m’a surpris.
C’est comme si, dans une circonstance analogue, on se donnait la peine
de préciser que l’auteur du forfait était un roturier :
« L’agresseur, d’origine prolétaire … ». Pour le plaisir du contraste, j’ai jeté un coup d’œil sur le
quotidien La Repubblica censé voir les choses
différemment. Le titre est le même : « Fermato un ragazzo per
l’agguato con il machete a Torino : è di origini nobili »[1].
Je me suis interrogé sur les
besoins de cette clarification. Est-ce pour faire allusion sans le nommer à un personnage haut placé dont l’identité
doit rester dans l’ombre ? Est-ce pour montrer que « nobles ou pas nobles, dans
notre journal tout le monde est logé à la même enseigne? ». Est-ce pour
faire un clin d’œil à la partie non négligeable du public qui, tout en ironisant sur la presse people, adore
ce type d’informations ? Est-ce pour suggérer une sorte de lien entre le haut lignage présumé de l'escrimeur et l'arme obsolète utilisée pour se venger?
Pendant que je cherchais la réponse mon esprit s’est mis à divaguer. « Un noble, me suis-je dit … une épée, une histoire d’amour … Ah mince, pourvu que ce ne soit pas le Prince charmant de La belle au bois dormant ».
(Suite) Mais revenons à mon propos initial : les médias titillent notre imaginaire royaliste en mettant au premier plan la noblesse éventuelle des personnages cités. On dira que ce n’est pas vrai : à l’occasion d’un fait divers, la presse sérieuse fait de son mieux pour omettre les indices qui permettraient de remonter à l’identité ethnique, professionnelle ou confessionnelle du protagoniste. On veut décourager toute catégorisation arbitraire, ce qui est compréhensible et frustrant à la fois. C’est donc avec étonnement que le 20 mars, en parcourant le Corriere della Sera, j’ai pu lire l’histoire d’un jeune homme qui, armé d’une machette, a sévi sur son rival en amour lui endommageant très sérieusement la jambe gauche. Ce qui a suscité mon étonnement, n’est pas tellement le caractère inhabituel de l’arme utilisée, un grand coutelas qui nous plonge dans l’univers exotique de Stephen Zweig ou de Luis Sépulveda, mais le titre de l’article : « Torino : 23enne aggredito con un machete perde la gamba. Fermato un coetaneo, milanese di origine nobile che sarebbe ricercato in Spagna »[1] (À suivre).
[1] "Turin. Un jeune de 23 ans attaqué à la machette perd sa jambe. Un jeune du même âge, un Milanais d'origine noble, qui aurait été recherché en Espagne, a été arrêté".
Œuvre du peintre belge Thierry Poncelet
Ce constat (l’admiration latente pour l’univers aristocratique) est une évidence en matière de chiens. Voici comment j’analysais les choses dans mon ouvrage L’éloquence des bêtes. Quand l’homme parle des animaux au chapitre : « Hommes de gauche et chiens de droite »[1] :
Parentés totémiques
C'est lors d'un long entretien dans les Alpes italiennes que la logique « initiatique » dont je viens de parler, axée sur l'idée d'une noblesse originaire reliant tous les « aficionados » du culte canin, s'est révélée dans toute sa prégnance. Mon informateur, un chasseur d'origine très modeste toujours entouré par des notables locaux, vantait le pedigree de ses setters anglais. « Tu vois », me disait-il, « nous sommes très courtisés » (à savoir lui et ses chiens). « C'est parce que mes chiens ont beaucoup de classe. Mais on ne se croise pas avec le premier venu. Depuis un bon moment on a pris l'habitude de se marier avec le docteur Masini. Et d'ailleurs, on est devenus de très bons copains. On s'entend très bien ».
C'est ainsi qu'un pedigree canin, transformé en pedigree fantasmatique, est incorporé (par sympathie dirait James Frazer) par le propriétaire du chien. L'analogie avec le totémisme - un totémisme métaphorique, bien entendu - ne peut que faire sourire. Le chien et son maître, associés dans un « nous » qui en dit long sur les enjeux sous-jacents, partageraient une sorte d'ancêtre commun, voire deux ou plus par le jeu des accouplements reliant entre eux les différents propriétaires (mon informateur et le docteur Masini, le cas échéant). Cet ancêtre fabuleux, l'étalon qui est à l'origine du lignage, n'est que le double canin, l'avatar pourrait-on dire, d'un propriétaire tout aussi paradigmatique (les deux formant un couple « archétypal » aux destins et aux physionomies indissociables). Comme par hasard, ce propriétaire « mythique » est souvent un aristocrate (ou un sujet "remarquable" : Cavaliere, Commendatore …, l'équivalent de ces chiens n'ayant pas de pedigree mais que l'on accepte aux concours parce que susceptibles de posséder de nobles ascendants...). Voici par exemple les coordonnées de quelques propriétaires des chiens dont on proposa l'inscription au Kennel Club en 1915 :
Comte Pio Menicon Bracceschi de Perouse,
Comte cav. Ing. Eugenio Morando de Verone
Comm. Francesco Silva de Pizzighettone
Architecte. Cav. uff. Ulisse Bosisio de Lonate Pozzolo
Et voici le nom « à particule » de quelques chiens :
Dir del Trasimeno
Tellino di Regona
Full dell'Eniano
Et lorsque le prestige du propriétaire fait défaut, c'est au chien de porter toute la responsabilité d'un nom dynastique. C'est le cas, entre autres de :
Lola 4ème, pointer femelle de M. Mario Costanti de Florence, ou de
Fly 6ème, pointer femelle de M. Giuseppe Taticchi de Perouse (Cf. Diana, il Field d'Italia, juin 1915, p.144.
On répliquera que la société, entre-temps, s'est beaucoup démocratisée. C'est indéniable. Toujours est-il que lorsqu'on passe en revue les appellations des nouveaux chenils et les noms des nouveaux reproducteurs, on ne peut pas s'empêcher de remarquer la permanence de vieilles habitudes. Voici par exemple la généalogie de Mir (dont on déplore, par ailleurs le prénom trop modeste) , champion de chasse pratique en 1998:
Birbo degli Uberti
Orfeo della Trappola
Fuga del Meschio
Bref, que des noms à particule. On tient beaucoup aux origines.Pourquoi Kate a-t-elle modifié la
photo ? On aurait envie de répondre : « Qui est cette Kate ?
Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de photos ? » Mais on
tricherait. Nous savons tous que Kate est l’épouse de William et qu’elle a
trafiqué une photo pour cacher son véritable état de santé ». Et pourquoi
nous le savons ? Parce que
les médias, pendant un long moment, n’ont parlé que de ça. Inutile de les accabler, les
commanditaires c’était nous. Nous
coupons la tête des rois mais
après, là où il en reste, nous nous inquiétons sur leur état de santé. On pourrait expliquer cet apparent
paradoxe par une réflexion de l’historien Georges Duby : l’imaginaire
évolue bien plus lentement que les institutions. Autrement dit, nous avons beau être
républicains (je généralise un peu …), notre imaginaire reste royaliste.
Et ce n’est pas chez Disney qu’on dira le contraire. (À suivre)
Dans ce monde inhumain, finalement une bonne nouvelle. On avait craint le pire, mais Totò et Pablo, les deux pitbulls qui le 23 avril ont mis en pièces Francesco Pio, un enfant de 13 mois, ne seront pas euthanasiés. Ils seront soumis à un programme de récupération. Une fois rééduqués, ils pourront rentrer à la maison.
Est-ce que leur rééducation va réussir ?
Peut-être que oui, peut-être que non.
Antonio Donghi, Caccia alle allodole, 1942
Mardi 14 mai j’aurai le plaisir de préciser mon point de vue sur la question animale dans le cadre du cycle de conférences du Forum universitaire « L'altérité. Les animaux et les hommes » (Boulogne-Billancourt, Amphithéâtre Landowski, 28 avenue André Morizet, à partir de 14h30).
- Et si les grands prédateurs commençaient à nous fatiguer ? Le déclin de la chasse comme signe avant-coureur.
En regardant les choses de loin, on se croirait confronté à un processus irréversible : alors que la fascination pour les grands prédateurs augmente tous les jours, l’ancien prestige dont bénéficiait la chasse n’est plus qu’un souvenir. Liées aux changements de mentalité en matière d’éthique animale, les raisons de ce déclin sont claires. Elle méritent néanmoins que l’on s’y attarde un peu. Le succès concomitant des ours et des loups est tout aussi compréhensible, ne serait-ce que dans une perspective écologique. Va-t-il perdurer ? Peut-être. Mais notre imaginaire est aux aguets, prêt à rebondir sur l’actualité pour y projeter ses fantasmes.
J’ai déjà évoqué le mythe de la Chasse sauvage *. Dans certains témoignages oraux (du genre : « Mon oncle l’a vue pour de vrai … », « Ma mère a dû monter sur un arbre pour échapper aux chiens … » etc.), le protagoniste assiste au passage du cortège nocturne. Il s'agit des âmes des chasseurs qui, ayant déserté la messe du dimanche, son condamnés à une traque perpétuelle menée par un personnage infernal. Sans perdre son sang froid, le bonhomme crie à leur adresse : « Eh, là bas, donnez-moi un morceau de votre gibier ». Le matin, à son réveil, il retrouve clouée à la porte de la grange « la moitié d’un chrétien ». Dans une version folklorique que j'ai repérée dans une bibliothèque de la région de Trente, la « moitié d’un chrétien » est devenue « la cuisse d’une Allemande ».
Or, cela peut paraître absurde, mais je crois connaître le nom de cette « Allemande ». Elle n’est pas allemande, on l'a déjà vue quelque part (sur une plage pour être plus précis), et s’appelle Simonetta Vespucci.
J’explique mon hypothèse dans les numéros 92, 93 et 94 de la revue La Grande Oreille, revue des arts de la parole et du récit, citée dans le billet précédent à propos des chats**.
* Cf. Le retour du prédateur. Mises en scène du sauvage dans la société post-rurale, PUR, 2011, p. 35 et suiv.
** Cette hypothèse est juste une plaisanterie, bien entendu.
On définit comme ailurophile celui qui aime les chats. Certains ailurophiles préfèrent être qualifiés de chatophiles. Dans le passé j’ai rencontré aussi la formule catophiles, mais ça prête à confusion.
Quoi
qu’il en soit, tout amateur
de chats a intérêt à se pencher
sur le dernier numéro de La Grande
Oreille, revue des arts de la parole et du récit. Il y trouvera tout ce qu’il faut savoir sur
cet anarcho-individualiste à quatre pattes présent dans 30% des ménages
français. La trentaine d’interventions qui composent l’ensemble aborde les
thèmes suivants : Le chat
sacré ; Le chat bienfaiteur ; Le chat maléfique ; Pourquoi le
chat … Un bel entretien de Yolaine de la Bigne avec l’historien Éric
Baratay (« Du chat diabolique au chat-chien, histoire d’un compagnon
star »), aide le lecteur à mettre en
perspective la « chatophilie » ambiante.
Illustrant un bel exemple de « Comédie de l’innocence », ce cliché a été réalisé et m’a été gentiment transmis par Antoine Beaudet
On aurait envie de donner une leçon de morale aux concepteurs de cette publicité :« C’est émouvant, mais comment peut-on faire de l'humour dans une circonstance pareille? Comment peut-on oublier l’issue tragique de cette scène bucolique ? ».
C’est pourtant facile : nous nous émouvons ... nous
dégustons. Il suffit de séparer les deux choses. Et, de toute façon, nous
sommes habités par plusieurs instances à la fois. Dans chacun d'entre nous cohabitent plusieurs interlocuteurs.
De temps en temps j’aime rappeler ce proverbe nuer, relatif aux sentiments de culpabilité du mangeur de viande, reporté par E.Evans-Pritchard dans sa célèbre monographie * :
« Les yeux et le cœur sont tristes, mais les dents et l’estomac sont dans la joie ».
Image extraite du site : https://www.civo-vslm.fr/quest-ce-que-le-vslm .htm
* Edward Evan Evans-Pritchard, Les Nuer. Description des modes de vie et des institutions politiques d'un peuple nilote, 1937, trad. fr. 1968, rééd. Gallimard, coll. « Tel », 1994. Je développe cette problématique dans L’éloquence des bêtes. Quand l’homme parle des animaux. Paris, Métailié, 2020.
(Suite) A sept heures du matin j’appelle mes amis « Excusez-moi pour cette incursion aurorale. Vous trouverez ça ridicule, il s’avère que etc . … J’ai résisté presque deux heures mais je commence à avoir vraiment froid ». « T’inquiète pas, on arrive tout de suite ». Dans l'attente, le risque de voir surgir ma voisine dans la pénombre matinale augmentait considérablement. J’ai imaginé la stupéfaction de cette dame très réservée qui, malgré la meilleur volonté, n’aurait pas pu croire à mon histoire (« Je suis sorti en déshabillé pour régler un contentieux entre un prédateur et sa proie »).
Dans la cage d’escalier il y a aussi un placard. J’ai songé à y entrer en laissant juste une fissure pour surveiller son départ. Oui, mais si elle apercevait dans le noir le reflet de mon œil ? Et si l’armoire se mettait à craquer ? Je me suis vu au commissariat. Pendant un court instant j’ai pensé à la vanité de mon geste (qu’allais-je voir, au juste, dans la rue ? Quel était mon but véritable ?) et à la distance qui me sépare des chercheurs qui magnifient, avec un fatalisme de philosophes, l’installation des animaux sauvages dans l’espace urbain. J’ai pensé aussi, avec jalousie, à d’autres chercheurs « animaliers » : ceux qui passent des moments fabuleux avec les grands prédateurs. Ils les pistent, ils les rencontrent, ils les regardent dans les yeux, ils s’apprécient mutuellement … C’est solennel et émouvant à la fois : de nobles chercheurs face à de nobles prédateurs. Si dans la cour il y avait eu un loup, me suis-je dit, il m’aurait trouvé bien ridicule, avec mon caleçon approximatif et mes espadrilles rayées. Mais moi aussi, peut-être, je l’aurais trouvé bas de gamme. Quoi que l’on dise, tous les loups ne sont pas merveilleux. Il y en a même d’assez décevants. Maigrichons, par exemple, lâches et pas assez poilus – ces pékins moyens de la race lupine qui ne méritent ni pistages ni narrations héroïques.
J’allais m’installer dans le
placard lorsqu’une porte s’est ouverte. C’était mon ami, l’air souriant mais
pas trop. J’ai compris tout de suite
que ce n'était pas la peine de lui proposer un café. Je l’ai beaucoup remercié et il est
reparti. Tout s’est bien terminé, finalement. Reste
à élucider l’énigme du tapage nocturne.