Pêcheurs nocturnes sur la jetée du port de commerce (Cliché SDB)
Pêcheurs ou pécheurs ? Je ne me souviens jamais, il me faut à chaque fois vérifier dans le le dictionnaire.
La nuit, en tout cas, les frontières s’estompent.
Pêcheurs nocturnes sur la jetée du port de commerce (Cliché SDB)
Pêcheurs ou pécheurs ? Je ne me souviens jamais, il me faut à chaque fois vérifier dans le le dictionnaire.
La nuit, en tout cas, les frontières s’estompent.
Àne/Coq (1996). Dans notre for intérieur, la frontière entre les êtres n’est pas si marquée qu’on le prétend officiellement. C’est ce que nous montre l'artiste allemand Thomas Grünfeld par ses animaux chimériques.
Rentré à la maison, l’autre soir, je me suis rendu compte que dans mon intervention au séminaire “Ruralités contemporaines en question(s)” annoncée dans le billet précédent je n’ai fait que répéter ce que j’avais écrit dans un article de 2016 (et ailleurs).
Je redis toujours les mêmes choses, finalement, et après, pour des raisons qui m'échappent, j’oublie. Voici un passage qui résume en bonne partie mon point de vue sur les ontologies en Occident :
« La chasse telle qu'elle se donne à voir dans les récits et dans les témoignages iconographiques de la tradition occidentale, est manifestement un jeu sur les statuts ontologiques. L'incertitude, le chevauchement des catégories, ne sont pas des bavures, des lapsus, ce sont les éléments constitutifs d'un horizon fictionnel où le réel et l'imaginaire semblent pour un instant converger. Élevé au sein d'une vision du monde "naturaliste", le chasseur sait bien que le sanglier n'est pas son rival, qu'une biche n'est pas une femme, que les lièvres n'ont pas des jambes mais des pattes. Il sait bien qu'il n'est pas un homme préhistorique, ni le mâle dominant d'une meute de loups, ni une caille en chaleur. Sur le plan cognitif, les frontières sont claires. Mais la "machine cynégétique", cet hybride rhétorico-sensoriel, lui permet d'accéder, par le jeu des métamorphoses, au plaisirs interdits et "cannibales" de poursuivre, posséder, anéantir, incorporer une proie anthropomorphe, à savoir un "presqu'humain" »*.
* Cf. "Sur qui tire le chasseur ? Jouissances dans les bois", Terrain n. 67, pp. 168-185, 1917
| Exposition des trophées à la Fiera della caccia, pesca, natura, de Longarone, dans les Alpes de Vénétie. ( Avril 2024). Cliché : Sergio Dalla Bernardina. |
Les dynamiques acculturatives, on le sait, ne sont pas unidirectionnelles. Les victimes du démantèlement des visions du monde non-modernes (les visions du monde des « Vaincus », pour recycler une vieille formule) finissent souvent par imiter les « Gagnants » : ils assimilent leurs valeurs, leurs comportements voire même leurs narrations. Les imitateurs aussi, à leur tour, peuvent être imités, il suffit seulement de laisser le temps à la mémoire collective d’effectuer ses tris et ses ajustements. La migration d’un récit d’une culture à l’autre fait parfois l’objet d’un véritable va-et-vient qui remet en cause la notion d’« authenticité ». C’est le cas du mythe du « Bon chasseur rural », version moderne du mythe du « Bon sauvage ».
Présentation : Sophie Bobbé
Chien errant, mais pas trop
Pourquoi les appelle-t-on chiens errants ? Parce qu’ils se trompent. Et en quoi se trompent-ils ? C’est qu’ils croient avoir le droit de circuler à droite et à gauche comme ça leur chante, sans tatouage, sans maître, sans foi ni loi. Et puisqu’ils ont tendance à se tromper, on en profite pour mettre sur leur compte des fautes qu’ils n’ont pas commises. Des moutons égorgés dans un champs ? Pourquoi penser automatiquement aux loups ? L’autre jour on a bien vu un chien à l'allure très suspecte qui passait par là …
Dimanche 16 février, un pitbull a dévoré une petite de 9 mois qui dormait à côté de son père dans un appartement d’Acerra, près de Naples. Ce dernier, au départ, a accusé du forfait un fantomatique « chien errant »*. Invité par les gendarmes à un peu plus de sincerité, il a fini par balancer son fidèle compagnon**.
* Le même que tout à l'heure, vraisemblablement.
** Les chiens de ce genre, en Italie, tuent une dizaine de personnes par an. J’en profite pour demander aux lecteurs s’ils ont des nouvelles de Curtis, le staffordshire dont on a pas mal parlé sur ce blog, présenté par Brigitte Bardot comme le Dreyfus des chiens de défense (dans ce cas, les "vrais coupables" de la mise à mort d'une jeune femme enceinte n’étaient pas des chiens errants mais des chiens de chasse).
UNEDIC, CIRAD, CEMAGREF... Les Français adorent les acronymes. Moi pas trop. Je me suis donc inscrit au MLCA : Mouvement pour la Lutte Contre les Acronymes.
(Dernier épisode) Et c’est en remontant une pente goudronnée que la modernité vient à notre rencontre. Un homme masqué descend à grands pas, comme s’il venait d’accomplir une mission. Il montre sa langue, la tête entourée par des cheveux fauve en pétard qui forment une sorte de crête. « Excusez-moi, lui dis-je, me permettez-vous de vous prendre en photo ? » « Ça ne se fait pas comme ça, nous répond-il, je dois me préparer ». Il se plante au milieu de la ruelle, les jambes légèrement écartées. J’attends un instant et je prends ma photo. C’est à ce moment qu’il ouvre grand son imperméable pour étaler un phallus de proportions considérables (artificiel, je crois). On le remercie et il repart. « Mince, il a baissé le rideau trop vite ». Heureusement, l’ami qui est avec moi a réussi à réaliser le cliché : « Tu me l’envoies ? C’est pour mon blog ». « Bien sûr ».
Ce qui nous amène vers la conclusion. « L’exhibitionniste, ai-je pensé, voilà une figure de la modernité, un masque qui échappe à la tradition dolomitique, un emprunt métropolitain, tout aussi hors contexte qu’un imperméable dans cette région de forgerons, de guides alpins et de moniteurs de ski ».
Je me dis plusieurs choses à la
fois. 1) C’est un masque tout aussi double que la Gnaga puisqu’il héberge, dans un seul support, deux individualités*. 2) Je pense à la frustration de son porteur,
obligé, en présence des enfants, à garder implicite la partie luciférine de son
identité. Je ne l’ai pas vu en action. Comment opère-t-il ? Scrute-t-il l’horizon
avant de faire papillonner son imperméable ? 3) Sur
le plan de la logique du Carnaval, de sa grammaire, cette trouvaille est
impeccable : elle normalise un comportement déviant, elle fait imploser
dans le périmètre de sécurité du cadre festif des fantasmes pervers portant
atteinte à l’ordre de la société. C’est bien ce qu’on demande à cette
institution millénaire. 3) Une apparition de ce genre est encore possible ici,
dans un bourg perdu de la montagne italienne. Le serait-elle aussi dans un
carnaval citadin ? Peut-être, mais au risque de susciter des réactions
véhémentes du type : « Il faudrait mettre fin à ces vieux relents
phallocratiques » ou, plus argumenté : « On ne peut pas tout accepter :
ce masque priapique est un résidu obscène de la culture patriarcale. Remplaçons-le par des masques moins machistes et plus inclusifs », « Je porte plainte! » etc. 4)
D’accord, mais un carnaval moralisé, déconstruit, où on censure tout ce qui
fait scandale, n’est plus un carnaval. C’est comme une bière sans alcool.
En tout cas, tout en ayant le sentiment de trahir le carnaval et de contribuer à l’entreprise de castration de l’imaginaire collectif qui avance masquée sous le drapeau progressiste, j’ai décidé de ne pas afficher le cliché « avec phallus » sur mon blog**.
- Comment, tu n'affiches pas l’exhibitionniste sur ton blog ?
- Oui, je le mets, mais sans la scène centrale. Je garde seulement les deux photos qui précèdent et suivent l’exhibition.
- C’est lâche. Ce n’est pas comme ça que tu vas faire le buzz!.
* Le phallus, comme le scénarise si bien Alberto Moravia dans son roman Moi et lui (1971), ayant sa personnalité, son indépendance et son point de vue sur le monde. (Cela doit valoir aussi pour l’autre sexe, je suppose).
** Un blog dans lequel je prends soin de ne pas montrer, même pour de « bonnes raisons », des images faciles (de victimes martyrisées, de bêtes souffrantes etc.) attirant à bon marché l’attention du public. En me réclamant moi aussi du progressisme (le progressisme critique que recommande de temps en temps), j’en profite pour rappeler la nécessité de démasquer les « nouveaux curés » qui, au nom du progrès moral, jouent un rôle de plus en plus lourd dans l’érosion de notre liberté.
(Suite) J’assiste au défilé en
songeant au rôle de défouloir rempli par le Carnaval et je m’interroge sur la
manière locale d’imaginer la transgression.
Si l’Homme Sauvage est transgressif, c’est qu’il n’est pas domestique, cela
va de soi. Pour d’autres personnages le côté « monde à l’envers » est
moins facile à déceler. Il me faudrait l’appui d’un exégète du coin, mais je
suis là en touriste et tout va très vite. Le fossoyeur est transgressif parce
qu’il tourne en caricature ce qui, hors du cadre carnavalesque, ne fait pas rire du
tout. La policière l’est aussi parce que, en principe, on ne rigole pas avec les
lois de l’État*. Je remarque un jeune homme aux cheveux longs à l’allure christique
qui danse avec une vieille (quelqu’un qui porte le masque d’une vieille, pour
être précis). On pourrait y voir – mais ce n’est que dans ma tête, je le crains - l’allégorie
d’une transgression fort redoutée par les communautés montagnardes : le
mariage entre partenaires n’appartenant pas à la même classe d’âge. Quant à la
nourrice, je crois avoir vu quelqu’un lui toucher les seins (artificiels, a
priori), mais c’est peut-être un geste propitiatoire, comme toucher la bosse du
bossu, dont on a annoncé la présence dans le défilé mais que je n’ai pas croisé. Là où le manquement
aux normes est flagrant, c’est chez un personnage que je vois pour la première
fois, habillé en copeaux de bois, qui fourre son doigt dans le nez et puis le frotte,
nonchalant, sur le dos des passants. Rien de particulièrement séditieux, au
bout du compte. Nous quittons le cortège pour nous aventurer dans la partie
moins tolkiénienne du bourg, avec des maisons plus récentes en style montagnard (À suivre).
* Ce qui prouve, de la part de l’État, un faible sens de la réciprocité.
En attendant que le cortège mené par le Matazin, sorte d’Arlequin sautillant, passe une deuxième fois (j’ai raté la première, c'est ma spécialité), je m'intéresse aux œuvres des artisans locaux. L’exposition des masques est remarquable. Un peu plus loin, mon regard est attiré par une sculpture en bois : un ours à côté d'une femme habillée d'une façon très approximative. Je dis : « Tiens, c’est le thème folklorique de l’ours kidnappeur. Partout, dans les Pyrénées, en Anatolie, … lorsqu’il y a des ours on tombe sur la même histoire : l’ours enlève une jolie bergère et l’amène avec lui dans sa tanière* ». On réagit à mon propos sur un ton humoristique : « Ici, les hommes sont un peu des ours … il y a beaucoup de solitaires … de célibataires. Dans la montagne on a du mal à trouver une épouse »**. Pour faire le pitre, je remarque qu’en France on règle le problème en répondant aux annonces matrimoniales du Chasseur Français. On cherche une épouse ? Rien de plus facile, il suffit de s’abonner.
Le cortège arrive. À côté de moi, des enfants masqués, sept-huit ans au maximum, commentent son passage avec la précision d’un chroniqueur de télé.
Je comprends plus ou moins ce qu’ils disent parce que je viens de la même
région, mais je dois m’accrocher. Ils sont surexcités. En constatant la
désinvolture avec laquelle ils maîtrisent ce langage presque initiatique je
suis ému. Il y a bel et bien de la résilience, ici. On migre, on se brasse, en
revient avec des conjoints teutoniques***, mais la langue locale (pour le moment ?) reste vivante. Un des petits s’aperçoit
que je les écoute et que je comprends ce qu'ils disent puisque je souris. Il pose sa main sur
la bouche de son copain, comme pour dire « tais toi ». Ils se mettent à parler dans un italien fluide et sans accent tout
en lançant des confettis sur le masque de l'Om salvarech (l'Homme sauvage) (à suivre)****.
* Les bergères sont toujours jolies. Un beau lièvre, un sacré caractère, une jolie bergère ...
**L’ours de la sculpture, à moitié ours et à moitié
vieil homme solitaire (ce single à l'insu de son plein gré, comme le dirait très justement Virenque) résume bien cette idée.
Cela dit, il se peut que l'ensemble fasse référence à une légende locale qui n'a strictement rien à voir avec mes élucubrations.
*** Donnée à
vérifier. C’est mon imaginaire qui me fait dire ça.
**** Face au mot "confettis" le lecteur italien serait tenté d'imaginer des enfants qui lancent des dragées. Ce n'est pas le cas.
Figures du Carnaval à Fornesighe (Dolomites)
(Suite) En arrivant dans la partie ancienne de Fornesighe on monte des marches asymétriques entourées par des constructions en bois encastrées l’une dans l’autre comme des Lego. Un plant de vigne d'un âge vénérable relie les balcons, métaphore vivante de l’enracinement territorial et du lien communautaire. Les anciens ateliers sont ouverts au public : « Entrez … cette grange appartenait à sept propriétaires différents, chacun avec son espace à lui ». C’est banal, je sais, mais je songe aux Hobbits*. À la fin de la visite nous commandons une bière à une jeune dame déguisée (en quelque chose que j'ai eu du mal à identifier) et, comme c’est mon habitude, je pose une question de candide pour lancer le dialogue : « Mais qu’est-ce qu’on faisait ici, autrefois, pour vivre ? Les bucherons, les bergers … ? ». Elle me regarde d’un air indulgent comme pour dire « Bonté divine, il faut vraiment tout leur expliquer … ». « Oui, ils travaillaient le bois, ils avaient quelques bêtes, ils vendaient des marrons et des poires cuites, ils faisaient des clous et après … ils sont partis à l’étranger pour faire des glaces». « Des clous ? » « Oui, des clous ». Fin de la conversation.
Il me reste à découvrir les autres figures carnavalesques de cette société à deux têtes, comme la Gnaga, où l’archaïsme résiduel (en restait-il quelques traces en dehors des bâtiments ?) et l'avant-gardisme des nouvelles générations (une jeunesse qui a grandi dans les métropoles européennes), sont censés cohabiter (À suivre).
** Sans ressentir la moindre affinité, pour autant, avec le gouvernement italien qui, en quête de repères culturels, est en train de squatter Tolkien.
(Suite) Un masque, la Gnaga, donne son nom au cortège
carnavalesque de Fornesighe. C’est un masque insolite, qui condense en une
seule pièce deux personnages : une vieille dame aux gros sabots qui porte
sur son dos, dans une hotte, un jeune homme en pleine forme qui ne
semble pas gêné du tout. Ça symbolise, parait-il, la vieille année qui s’en
va pour céder sa place à la nouvelle. Mais c’est aussi une représentation du
monde à l’envers typique du carnaval* : le jeune homme, en fait, profite sans raison
des attentions normalement réservées aux vieillards. Avant d’aller à Fornesighe
je me suis renseigné sur l’origine du masque. Si le cortège, comme on le
présente officiellement, est « archaïque », le masque ne l’est que très faiblement,
ce qui n’enlève rien à sa prégnance, à son « mana », diraient les Mélanésiens. Il date de
1897 et on connait même les généralités de son inventeur, ce qui n'est pas très fréquent en matière de traditions ancestrales*.
Son nom aussi pose quelque problème, dans le
sens qu’à Venise, avec le même appellatif, on désignait un masque tout à fait
différent, représentant le museau d’une chatte. Ce déguisement était porté par
les hommes qui, en l’endossant, étaient censés adopter un ton de voix plus aigu et des
comportements féminins (l’inversion des identités, encore une fois). Bref, la Gnaga des Dolomites a des origines
assez confuses, donc bien accordées à l’esprit du carnaval. (À suivre)
Il s'appellait Valentino Toldo, dit Nin di Rosa, et c'est en Suisse, peut-être qu'il a trouvé sa source d'inspiration.
** Cela appartient clairement à la famille des adynata, pour employer le langage de Giuseppe Cocchiara.
À quoi sert le carnaval ? À plein de choses, bien sûr. Les historiens et les anthropologues ont réalisé des études merveilleuses à ce sujet. Et les folkloristes aussi, bien entendu, comme Giuseppe Cocchiara, célèbre par son ouvrage Il mondo alla rovescia ( Le monde à l’envers)*. Parmi les fonctions du carnaval, on le sait, il y a celle de nous représenter la société telle qu’elle serait si les conventions qui la règlent n’étaient pas respectées : si les lapins, armés de fusils, faisaient la chasse aux chasseurs, si les bœufs, avec de grands coutelas, écorchaient vifs les bouchers, si les ânes faisaient tirer la charrette aux fermiers, si les pauvres faisaient l’aumône aux riches etc. Le Carnaval permet de revenir au monde indifférencié des origines, là où les identités sont encore fluctuantes. Dans ce monde où on peut être plusieurs choses à la fois, et la rigueur de la loi est suspendue**, on a le droit de transgresser et de se défouler. La transgression n’est pas seulement permise, elle fait l’objet d’une prescription : « et à ceux qui ne font pas la fête, dit le refrain d’un chant traditionnel, nous couperons la tête … ». Bref, on fait imploser les désirs refoulés et les fantasmes socialement réprimés au sein d’un périmètre de sécurité : l’espace/temps de la scène carnavalesque.
Le Carnaval est aussi le moment du retour des exclus : les morts, qui rejoignent la communauté pour faire un rapide coucou, les hommes sauvages et autres personnages fantastiques qui circulent la nuit dans les bois, les animaux de la ferme qui se mélangent à la foule comme si on était tous copains - pour ne pas parler des bêtes de la forêt qui nous aident à représenter, derrière le masque, notre sauvagerie à nous.
On sait que dans les Alpes les cortèges carnavalesques sont encore assez vivants***. Je viens d'assister à celui de Fornesighe, près de Forno di Zoldo, le seul hameau de la vallée, m’a-t-on précisé, épargné par les flammes qui menacent fatalement les fragiles structures en bois de l’architecture locale. Dans les deux ou trois billets suivants je ferai état de mes sentiments de témoin occasionnel.
*** Comme dans les Pyrénées, célèbres pour la fête de l’ours devenue de plus en plus une attraction touristique.
(Suite et fin) Au bout de l’allée, derrière le virage, trônait un gros conteneur en plastique en forme de pyramide destiné au compostage. C’était un composteur magique : on avait beau le remplir, il restait toujours à moitié vide.
On comprit plus tard son secret. C’est comme pour le chien. Si son maître et sa famille avaient été végétariens, il n’y aurait pas eu de problèmes. Et s’ils avaient respecté les consignes en matière de compostage tout se serait bien passé. Le fait est qu’ils utilisaient le composteur pyramidal comme une micro-décharge, pour ne pas dire un charnier : « Mais tu y mets les peaux du fromage et les coquilles d’œuf ? ». « Bien évidemment, c’est de la matière organique ». « Et les os du poulet » ? « Bien sûr, ça se décompose : "Souviens-toi que tu es poussière, et que tu redeviendras poussière" … ».
Ayant dépassé l'âge adulte depuis un long moment, le chien quitta la scène. Son maître en profita pour disperser du raticide partout. Les pantegane, qui sont intelligentes, quittèrent les lieux et allèrent contribuer à la biodiversité quelque part ailleurs.
Le composteur n’était pas très en forme lui non plus et on décida de le supprimer. Surprise : son fond avait disparu, complètement rongé par les rats. De son emplacement partaient des tunnels qui s’enfonçaient dans la terre mélangée à des morceaux de plastique de toutes les couleurs. La colline était devenue un immense gruyère et, pour éviter qu’elle s’écroule, il fallut la bétonner.
Morale : certains humains sont moins éveillés que certaines pantegane.