Célèbre écrivain russe échappant, par le refus de l'alimentation carnée, à toute une série de péchés capitaux.
Le déni du corps dont je
parlais dans le billet précédent peut prendre la forme non pas d'un refus de la
sexualité en tant que telle, mais d'un refus de la reproduction, refus de la
sexualité en ce qu'elle a de viscéral et de physiologique, refus de notre animalité, en quelque sorte,
de notre finitude et de notre dépendance de l'autre. Ce processus de
purification, commençant par la chasteté alimentaire et s'achevant par la chasteté sexuelle,
apparaît comme un véritable projet dans les écrits d'un des ancêtres les plus
cités du végétarisme contemporain : Léon Tolstoï : "Si la viande, au moins, était un
aliment nécessaire ou utile! Au contraire, elle sert seulement à développer des
instincts agressifs, la lubricité, la luxure, l’alcoolisme"*.
Le refus de manger de la
viande, dans ce sens, renvoie à une refus de la commensalité au sens propre et
au sens figuré : refus de se retrouver
avec d'autres autour d'une table. Refus de se retrouver avec d'autres dans un
lit.
Lev
Tolstoï, Il primo gradino (La première marche) trad. de Gloria Gazzeri, Ed. Gli amici di Tolstoi/Il bastoncino verde,
p. 19) (ma traduction à partir de la version italienne). Je traite (rapidement) la question à la fin du texte suivant : Manger moral, manger sauvage.
En lisant votre chronique du 23 juillet, mes associations d'idées m'ont donc conduite vers la crépusculaire "Grande Bouffe", film que je n'ai pas voulu revoir, manquant d'estomac, mais que je considère grand comme un tableau de Jérôme Bosch. C'est le côté "2 en 1" que nous propose Marco Ferreri qui m'a sauté à l'esprit. Ugo, Marcello, Philippe et Michel,"humains, trop humains"* court-circuitent les velléités de subversion de la génération suivante en se vomissant eux-mêmes et ainsi le monde qu'ils lèguent (et qu'ils ont reçu) et dont ils sont bien les figures patriarcales peu reluisantes. C'est un suicide peut-être bien plus moral qu'il n'y paraît. Ce n'est que ma vision.
RépondreSupprimerLes penseurs, "phares de l'humanité", sont souvent comme des planètes très denses qui voudraient que toutes les autres fonctionnent comme elles. Mais chacune est déjà un petit système, a sa propre composition chimique et, notre univers physique étant en expansion, toutes sont vouées à une solitude de plus en plus implacable, en attendant une éventuelle nouvelle fusion dans une tête d'épingle, avec à table de l'hydrogène et de l'hélium pour tout le monde.
A l'échelle de notre petite cuisine occidentale, je vois la commensalité remplacée par un frigo américain qui contiendrait un niveau par membre de la famille, sans oublier le gendre halal et la bru casher, où chacun, un œil sur son téléphone intelligent, viendrait puiser à son heure dans le régime vg sans gluten, Okinawa, crêtois ou crudivore.La commensalité au lit, c'est déjà à 4 au minimum, les téléphones intelligents étant de la partie, et puis le chien, le chat...
*Je n'ai pas lu Nietzsche.
Je trouve la référence à La Grande Bouffe très juste. La philosophe Florence Burgat la trouverait tout aussi pertinente, je crois, puisqu'elle propose cette même association d'idée dans un article qu'il m'est arrivé de commenter dans le passé. Avant ce film Ferreri avait réalisé "L'ape regina" ("Le lit conjugal"), où l'acteur Ugo Tognazzi meurt d'épuisement pour honorer la boulimie sexuelle de sa charmante épouse (Marina Vlady) pressée de se reproduire. Bon vivant, Ferreri reste habité par des sentiments de culpabilité. Je suis comme vous, j'ai bien aimé La grande bouffe mais je n'aurais aucune envie de le revoir.
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