lundi 28 juin 2021

L'inquiétante étrangeté (3). Pureté et souillure chez les geais



Si l’apparition du geai m’avait donné un sentiment de saleté, finalement, ce n'est pas que je déteste les geais. Dans son célèbre ouvrage De la souillure, l’anthropologue britannique Mary Douglas explique que le caractère pur ou impur d’une entité n’est pas intrinsèque, il dépend du contexte. Est impur tout ce qui, se trouvant hors contexte, porte atteinte à l’ordre des choses. C’était bien le cas du geai.  Et il le savait. En sortant du feuillage, d’ailleurs, il n’avait pas l’air outré, genre : « Bande d’importuns, je quitte les lieux mais  vous aurez de mes nouvelles … ». Il est parti à la sauvette, avec un petit plongeon latéral. Je crois même qu’il a dit : « Bon, d’accord, d'accord, je m’en vais ».  Avait-il délogé le merle de mon père ? Pire, avait-il gobé sa progéniture ? La question, à la limite, n’est pas là. Peu importent les événements. Peu importent les responsabilités concrètes. La faute principale de ce corvidé multicolore était d’ordre symbolique : sa présence remettait en cause l’organisation mémorielle du jardin.

1 commentaire:

  1. J’ai toujours été étonnée d’entendre certaines personnes déclarer qu’elles DÉTESTENT les surprises.
    Même bonne, une surprise est détestable, donc une bonne surprise en est une mauvaise.

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