On pourrait souligner que, même si un merle était sorti du laurier, rien n’aurait prouvé que c’était celui de mon père. C’est vrai, mais il aurait pu être un descendant de ce merle ancestral. Et là j’ouvre une parenthèse. Depuis quelques années, l’anthropologie a cessé de considérer les humains, les plantes et les animaux comme des entités séparées. On parle désormais de collectifs. Le berger corse, son chien, son troupeau, les pâturages qu’ils arpentent pendant l’été, constituent un vaste système d’interrelations qu’il faut appréhender comme un tout, comme une « méta-créature ». J’hésite, parfois, face aux usages angélistes, iréniques, qui peuvent être faits de ce concept stimulant*. Mais l’histoire du merle de mon père me donne envie d’utiliser la notion de « collectif », ne serait-ce que de façon approximative et minimaliste.
Avec nos proches, nos animaux de compagnie, nos bégonias, je dirais même nos guitares rayées, nos flutes à bec, nos reproductions sur contreplaqué du Baiser de Gustav Klimt, notre chaîne hifi et notre vieille voiture qui a du mal à démarrer mais que nous gardons encore un peu, nous faisons partie d’un collectif. Nos identités sont strictement imbriquées. Chacun de nous est la résultante de cette imbrication. Il ne s’agit que d’un point de vue, bien entendu. D’autres pourraient dire que le seul collectif qui compte, pour eux, est celui qu’ils viennent de créer avec leurs nouveaux copains et copines, leur nouveau furet et leur nouveau mixer - et que c’est justement ça, la liberté. C'est une belle manière d'envisager les choses, mais ce n'est pas la mienne (À suivre).
* Ce blog prend souvent ses distances avec les prêtres et les prêtresses qui prétendent gérer le discours sur la nature au nom d'un « collectif » qui ne leur a rien demandé.
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