« Le plus grand prédateur de l'agneau n'est pas le loup... mais Pâques ! » déclare Brigitte Bardot sur Twitter, en nous montrant ainsi qu’il n’y a rien d’islamophobe dans sa détestation de l'Aïd-el-Kébir. En fait, y a-t-il des résidus sacrificiels dans la consommation pascale des agneaux ? C’est plus que vraisemblable. La mort d’une victime innocente, comme nous le rappelle René Girard, nous apaise et nous purifie. Mais comment profiter du pouvoir cathartique de la mort d’un herbivore innocent lorsqu’on est contre la chasse, la corrida, l’alimentation carnée etc. ? La réponse est simple : en déléguant l’acte sacrificiel aux grands prédateurs. C’est l’idée centrale de Faut que ça saigne, ouvrage éminemment pascal, dont je cite un passage :
" Le
Sang et le sacré. On
dit que les arcades des églises
gothiques s’inspiraient de l’architecture des forêts où se déroulaient les
anciens rituels. Quittant le renfermé des basiliques, devenu « environnementaliste » et se
réfugiant dans les bois, le sacré postmoderne retrouverait le décor
chlorophyllien des religions
archaïques. Il reviendrait au vert des origines, pour ainsi dire. Mais la
couleur de base du sacré, en réalité, est moins le vert que le rouge. C’est le
rouge du sang sacrificiel. Le rouge du sang métaphorisé par le vin et conservé
dans le tabernacle. Le rouge du sang des martyrs. Le rouge du sang de San
Gennaro qui tous les ans ou presque se remet à gargouiller pour la plus grande
joie des Napolitains. Le rouge des tableaux des peintres animaliers qui évoque le moment
« sublime » et « solennel » de la mort de la proie. Le
rouge des œuvres qui dénoncent aujourd’hui le caractère sacrilège de cette mort
gratuite. C’est aussi, en creux,
le rouge des blessures du gibier exorcisées par le taxidermiste qui veille
scrupuleusement à leur effacement (on ne les voit plus mais on y pense
forcément). Et dans ces autels à ciel ouvert que sont devenus les alpages, c’est le rouge brunissant des
carcasses des agneaux, des ânes, des vaches offertes sur place, sur internet ou sur les pages des
journaux, au regard des fidèles.
Des fidèles émus, mais fatalistes : qui à tué la victime ? Ce n’est
plus l’homme. Ce n’est même plus son chien, ni son fusil, ni son couteau. C’est
le fatum. C’est « la Sélection naturelle ». Ce sont « les
Lois de la nature »" *.
*Faut qu’ça saigne. Écologie, religion, sacrifice, Éd. Dépaysage, 2020, p. 85
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