lundi 6 juin 2022

René Girard : un bouc émissaire ?

 

Berger corse se rendant chez Décathlon pour acheter des chaussures de trekking 

J'ai débarqué en France en croyant que René Girard était un auteur apprécié par tout le monde. Ce qui me poussait vers un doctorat transalpin était l'aura céleste  de Lévi-Strauss, Roland Barthes, Foucault, très à la mode en Italie. Et je croyais que Girard aussi faisait partie des auteurs utiles pour la compréhension des comportements humains. On m’a fait vite comprendre que  les trois autres allaient très bien (quoi que …)  mais que l’auteur de La violence et le sacré n’était pas à lire ni à citer.  C’était une question de club, à mon avis : on ne peut pas être simultanément supporter de l’OM et du Paris Saint Germain. Ma nature de Trickster cependant a prévalu, me poussant à admirer à la fois l’universalisme relativiste de Lévi-Strauss et l’Universalisme tout court de Girard.  Dans un premier temps, j’ai eu recours à cet auteur de façon discrète, sa théorie du désir triangulaire (et du « médiateur de prestige ») me paraissait parfaite pour expliquer l’engouement soudain des populations rurales pour des loisirs de plein air traditionnellement dévalorisés (« Les élites les pratiquent, et nous alors ? »).  C’est le cas, entre autres, du changement de perspective que j’ai pu constater dans l’île de beauté (et ailleurs) décrit dans l’article : « Les voluptés du plein air. Passions ordinaires et passions distinguées » qui date de 1998.* À partir de cette époque, mes références à Girard se sont faites moins discrètes jusqu’à devenir très explicites dans mon étude d’« anthropologie conjecturale » Faut qu’ça saigne. Écologie, religion, sacrifice,  où je cherche à montrer sans détours l’intérêt de l’anthropologie girardienne dans l’analyse des manifestations de violence collective (explicite ou dissimulée) qui constellent le conflit contemporain autour de la bonne gestion du vivant. J’en parlerai dans le prochain post.

* In (Christian Bromberger dir). Passions ordinaires. Du match de football au concours de dictée, Paris, Bayard, 375-406.

1 commentaire:

  1. ...à mon niveau, je poursuis des recherches. Il y a un auteur qui m'inspire beaucoup même si je ne peux pas dire que les thèmes de ses travaux rejoignent les miens (quoique). Heureusement, il n'est pas aussi détesté que Girard mais ce qui n'est guère mieux, assez largement ignoré. Pourquoi? Je me le demande. Sans doute parce que c'est le meilleur moyen de "moucher" un indésirable (puisqu'on est ici chez les animaux). Et moi aussi on me met en garde contre le risque qu'il y aurait à trop dévoiler cette source diabolique (cf....) Mais à l'étranger, pourquoi s'en priver? Comme Girard en Italie, il pourrait peut-être ailleurs recevoir un nouvel accueil. Dans tous les cas, si un auteur m'influence, je ne veux pas le cacher. Et rendre à César ce qui est à Jules: le pire est quand un auteur puise à une source qu'il ignore ou renie par ailleurs mais sans la citer. Le monde de la recherche est décidément une foire à l'empoigne. Pour vivre heureux dedans...vivons caché (et libre).

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