jeudi 28 décembre 2023

Imaginaires de la chasse hier et aujourd'hui

 


 

La chasse ne cesse pas de nourrir notre imaginaire. En parler à notre époque sans prendre des précautions rhétoriques et sans se positionner (avec des formules du genre « Ça avait du sens autrefois, ça se justifie ailleurs … ») est devenu difficile. La revue La grande oreille (n. 92 – Octobre 2023) y est parvenue avec succès. En nous offrant une riche palette de récits de toute provenance, les uns plus saisissants que les autres, elle montre à quel point le cynégétique est un observatoire  précieux pour comprendre, derrière l’acte de chasser, les éthiques et les conceptions du vivant des différentes sociétés. La liste des contributions est trop nourrie pour que je puisse en faire le résumé. Je me limite à évoquer les nombreux récits venant du Grand Nord, d’Afrique et d’ailleurs, les apports du folklore, de la mythologie antique et médiévale, sans oublier les renvois à l’actualité. À ce propos, je suggère la lecture des articles d’Inès Cazalas  et de  Philippe Artières rappelant l'originalité et l’importance du dernier ouvrage de Charles Stépanoff pour les études sur la chasse en Occident : « cette activité – comme l’écrit Artières – constituant une zone obscure du savoir des sciences sociales parsemées de quelques clairières ethnographiques ».

L’ensemble des narrations enchantées qui traversent ce numéro de La Grande Oreille me fait penser aux remarques de Claude Lévi-Strauss à propos de la nature du mythe. Les mythes, au départ, n'ont rien d'illusoire. Ils décrivent le réel et le rendent intelligible. Ils en sont consubstantiels. Pour qu’un mythe  naisse il faut qu’il corresponde aux attentes et aux structures narratives d’une communauté. Il faut qu’il dise ce que la société veut entendre. Son caractère mythique apparaît toujours a posteriori, lorsque les cadres mentaux ont changé.

* (L’animal et la mort. Chasses, modernité et crises du sauvage – éd.  La Découverte, 2021) 

 


6 commentaires:

  1. Seriez-vous une clairière ethnographique ?

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  2. Je viens de le découvrir. Il faudrait poser la question à Monsieur Artières. En tout cas, cela reste positif. Si, à la place de "clairière", il avait écrit "plate-bande" cela m'aurait attristé. J'ai trouvé délicieux, dans ce contexte, son emploi de l'adjectif "ethnographique".

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  3. Excusez-moi, mais je ne comprends pas en quoi vous trouvez « délicieux » l’emploi de l’adjectif « ethnographique ».

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    1. J’ai apprécié la finesse. Autrefois, dans certains milieux, on faisait la part entre l’ethnographe et l’anthropologue. Le premier, par sa description utile et méticuleuse, fournit ses données au second, qui dispose de l’éloignement critique et du bagage conceptuel nécessaires pour les interpréter et les mettre en perspective. C’est à peu près la différence qui sépare le « simple » géomètre (catégorie désuète) de l’ingénieur des ponts et chaussées.

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  4. Serait-il déshonorant d’être ethnographe ?

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  5. Je ne voulais pas dire ça. Nous savons à quel point la description et l’interprétation sont inséparables (sauf chez certains spécialistes de la généralisation qui, pour bien interpréter, n’ont pas besoin de données). Je parlais d’un certain snobisme académique, dépassé par l’épistémologie contemporaine, hiérarchisant les compétences (L’ethnographe ? le chaînon intermédiaire entre le théoricien et l’érudit local). Personnellement, je serais fier d’être un « bon ethnographe ».

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