Ours solitaire qui déambule depuis quelques mois dans la région de Seren del Grappa, dans les Alpes de Vénétie (et il déambule vraiment partout. Je crois même l'avoir déjà surpris une ou deux fois sur ce blog).
On dirait une obsession, mais
malgré mes bonnes intentions, l’actualité m’oblige à revenir sur la
conférence consacrée à l’ours et aux loups à laquelle j’ai assisté au début du
mois. Si elle m’a fasciné, c’est que je l’ai trouvée exemplaire, tellement elle
arrivait à bien illustrer le discours des techniciens de l’environnement
concernés par le retour des grands prédateurs. Ce qui m’a frappé, entre autres,
c’est l’usage de la notion de « science ». Les données étaient
précises, mais leur utilisation rappelait le ton de ces médecins et
vétérinaires du XIXème siècle qui ont beaucoup aidé les folkloristes en leur
donnant des informations précieuses sur les opinions et les coutumes rurales en
matière de soin des plantes, des animaux et des humains. Leurs écrits, que l’on retrouve
aisément dans les bibliothèques municipales de la zone alpine, visaient à
éradiquer les superstitions. Et pour les éradiquer il faut bien les décrire. L’orateur
nous a proposé un beau croquis montrant au public la différence entre le domaine
de la science et celui de la croyance*. L’objectif était de remettre en cause
toutes les « rumeurs » concernant l’apparition des ours dans la
région. Je rappellerai au passage que, pour les anthropologues, la frontière
entre science et croyance est très difficile à établir et fait l’objet d’un
débat de plus en plus complexe et sophistiqué.
Le discours est vite passé à l’ours
qui, de lui même, a décidé de s’installer pas loin du bourg où se tenait la
conférence. Je résume en quelques mots les mots du zoologiste, qui utilisait un
langage accessible et imagé pour transmettre ses connaissances à une population
qui n’a pas forcément de diplôme en sciences naturelles. « Pourquoi les
ours se déplacent tout seuls ? Beh, c’est comme chez les humains, ils se
déplacent à la recherche d’une fiancée. De toute façon, les indices sont formels,
je vous assure qu’il n’y a qu’un ours, ici, il faut vivre avec, parce que c’est
de plus en plus inévitable de cohabiter avec la faune sauvage, mais il n’y a
aucune raison de s’inquiéter ».
Un jeune homme, dans la salle, a
osé prendre la parole :
- Est-on vraiment sûr qu’il n’y
en qu’un ? Si l’ours s’est installé ici, c’est peut- être qu’il y a une
femelle.
La remarque n’a pas plu au
naturaliste, qui a rappelé la fiabilité des données dont il disposait et la
distance entre la science, dont il était le représentant, et l’univers des
opinions personnelles : « C'est votre opinion. Libre à vous de penser ce que vous voulez ! ». Le jeune homme, imperméable aux
certitudes du savoir académique, n’avait pas l’air très convaincu et a répliqué :
« Bon, on verra ».
Il y quelques jours, à une
dizaine de kilomètres du lieu de la conférence, deux personnes ont aperçu un
animal qui cherchait à soulever avec son museau le grillage du terrain de foot. Il
s’agissait d’un ourson **.
Morale : science et croyance
peuvent parfois se rejoindre. Il n’y a qu’à attendre quelques jours.
* Je l’ai pris en photo, mais je
ne pense pas avoir le droit de le diffuser.
**https://www.ilgazzettino.it/nordest/belluno/orso_campo_calcio_alba_tomo_feltre-8437268.html