Dans les
campagnes du Frioul, au XVIe siècle,
il était encore possible de rencontrer des Benandanti. À l'instar des chamans, les Benandanti avaient le pouvoir de quitter
leur corps et de se déplacer en esprit. Les jeudis des Quatre Temps*, en
rêve, ils se réunissaient
dans un lieu convenu pour combattre
les forces du mal. Ils étaient armés de branches de fenouil. Leurs ennemis brandissaient des tiges de sorgho. Le succès annuel de la
récolte dépendait du résultat de la bataille. S'agissait-il des derniers
représentant d'une religion préchrétienne ou plutôt, comme le pensait l'Église, des membres d'une congrégation satanique se rendant
périodiquement au sabbat des sorcières?
Dans le doute, le Saint Office en fit bruler un certain nombre sur la
place publique.
Selon la tradition,
tout le monde ne peut pas devenir Benandante. De préférence, écrit Carlo
Ginzburg, les Benandanti naissent coiffés (liés à leur placenta ils n'ont pas
complètement quitté l'au-delà, ce qui leur permet passer d'une dimension à l'autre sans difficulté). Ils
partagent cette caractéristique avec les loups-garous, qui naissent entre la fin de la vieille année et le
début de la nouvelle en profitant d'une courte fenêtre de 12 jours. C'est grâce à cette "marginalité" que les loups-garous transmigrent avec
aisance du monde humain au monde
animal et vice versa.
Je suis né quelques jours après la "courte fenêtre". Parfois je me demande si je dois considérer ce rendez-vous manqué avec le chamanisme comme une chance ou comme un handicap.
*Dans les calendrier catholique la formule Quatre Temps fait référence aux temps de jeûne prévus au début des quatre saisons.
* Cf. Carlo
Ginzburg, Les batailles nocturnes,
Paris, Verdier, 1980.
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