jeudi 19 décembre 2019

Chasses héroïques (la chasse aux canards et ses dangers)



 
Chasse à la canardière sur un plan d'eau italien

Si le statut des animaux sauvages a changé  - de simples ressources (ou de « nuisibles ») ils sont devenus des  « non humains » - il n'empêche que même autrefois, pour les tuer,  il fallait donner des explications. Pendant longtemps, deux stratégies discursives ont permis  de justifier la mise à mort "gratuite" du gibier :  la rhétorique amoureuse (la chasse/passion, la proie comme objet de désir) et la rhétorique militaire (la chasse comme duel  entre nobles rivaux)*. L’article de Fanny Pacreau  « Le lac de Grand-Lieu et ses oiseaux d’eau (Loire-Atlantique)»** nous offre deux beaux exemples d'héroïsation de la chasse au gibier d'eau.
Chez le baron Félix Platel qui dans les années 1880 décrit ses chasses à Grand-Lieu dans les pages du Figaro, la stratégie de légitimation  consiste à magnifier la proie : « Au moment ultime, où il saisit sa proie par le cou, l’oiseau devient colossal ». L’autre expédient, tout aussi classique, revient à emphatiser les dangers encourus « “Cette chasse où les bateaux vont l’un sur l’autre est assurément dangereuse ”».
On pourrait paraphraser ce propos par la formule : « Cette fois c’est le canard qui est mort,  mais ça aurait bien pu être moi ».

 * Je developpe ce thème, par exemple, dans L’utopie de la nature. Chasseurs, écologistes, touristes, Paris, Imago, 1996. Cf aussi : « Sur qui tire le chasseur ? Jouissances dans les bois »,  Terrain n. 67, pp. 168-185.
** De la bête au non-humain. Perspectives et controverses autour de la condition animale (Sergio Dalla Bernardina dir.),  édition numérique Collection « Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques » 2020 (à paraître).

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