samedi 1 juin 2024

Les veilleurs du vivant (contempler sans frimer)

 



 

Dans ce blog je passe pas mal de temps à signaler nos contradictions : les écologistes ne sont pas si écologistes qu’ils le prétendent, les chasseurs non plus, les antispécistes ne respectent pas le principe de réalité, etc. Mais pour qui je me prends ? Toujours en train de râler. Les psychologues prévoient sans doute une catégorie pour caser les rabat joie comme moi. C’est le cercle vicieux : cette disposition à la critique perpétuelle influe sur ma lecture du réel et cette lecture, à son tour, accentue ma disposition.

J’y pensais l’autre jour en écoutant Vanessa Manceron qui nous parlait des ornithologues amateurs en Angleterre. L’Angleterre, nous disait-elle, est un pays densement peuplé, même à la campagne, où l’opposition entre le domestique et le sauvage ne prend pas les formes radicales qu’elle peut présenter chez nous. C’est un peu comme dans les jardins à l’anglaise, moins domestiqués que les nôtres sans être sauvages pour autant. Et dans cette Île très jardinée on compte un million d’inscrits à la Ligue pour la protection des oiseaux. Par leurs observations détaillées, les ornithologues amateurs contribuent à la recherche scientifique. Pendant de longues années, et avec beaucoup de fidélité, ils entretiennent avec les oiseaux une amitié à distance, sans aucun désir de captation ou de domination. C’est un rapport égalitaire. Nourrie d’exemples assez parlants, la description de cette communauté désintéressée qui contemple le vivant avec ravissement, m’a parue très crédible.

Bref, j’ai été jaloux des ornithologues anglais, capables d’entretenir avec les animaux sauvages des liens intenses et légers à la fois, réservés  et pleins de poésie.  J’ai été également jaloux de Vanessa Manceron, capable d’aborder un sujet aussi controversé (rien de plus explosif que le rapport à l’animal) en évitant les deux grandes tentations auxquelles j’ai du mal à résister sur ce blog : la polémique et la caricature. Pour sortir du pessimisme sans tomber dans la béatitude, je conseille donc la lecture de Les veilleurs du vivant. Avec les naturalistes amateurs  (éditions La Découverte, 2022).

5 commentaires:

  1. L’animal votre prétexte pour râler… je ne perçois pas votre blog ainsi.
    L’animal votre prétexte pour mettre le doigt sur certaines incohérences et donner à réfléchir avec ironie et humour… c’est pour ça qu’on vous lit.
    Je fuis les râleurs.
    N. Juin

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  2. Une chose qui est très percutante dans votre blog c'est que les motivations indicibles de celui qui parle vous vous les mettez à nu. Ici en admettant être jaloux... Qu'est-ce qui pourrait mieux étayer ce que vous avancez? Si ces ornithologues sont aussi désintéressés sur bien des plans c'est peut-être en partie pour pouvoir vous faire baver devant ce rapport qu'ils entretiennent avec les oiseaux? Mais je ne veux pas dire qu'ils ne sont pas sincères dans leur (tendresse?) envers eux.

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  3. Un papillon (Vanessa) qui s’intéresse à ceux qui s’intéressent aux oiseaux…
    C’est léger comme une petite fille qui croit que les loups mangent des nuages parce-qu’ils ressemblent à des moutons.

    Armelle Sêpa.

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  4. J’ai envie de lire cette étude, au moins parce-que je suis moi-même attentive à la société de mes cinq poules de réforme.
    D’ailleurs, pour me hisser au niveau de l’ornithologue, j’entraîne ma favorite, celle qui était arrivée plumée par les autres, à s’envoler toujours plus loin.

    Armelle Sêpa.

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    1. On fait la différence entre les anthropologues du proche, qui ont toujours besoin de se justifier (« Tu es anthropologue ? Mais je croyais que les anthropologues étudiaient les sociétés exotiques …») et les « vrais », qui mènent leurs enquêtes dans des pays lointains. Ça doit valoir aussi pour les ornithologues. Et pourtant, quoi de plus exotique qu’une poule ? D'où la question suivante : peut-on qualifier un observateur des poules de "naturaliste amateur"?

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