Une partie de mes interrogations
sur l'inné et sur l'acquis chez
les chiens m'avait été inspirée, je dois
l'avouer, par un petit film publié par le quotidien La Repubblica.
On y voit un pit-bull derrière les barreaux, tout content d'être caressé par une dame. Non
seulement je n'ai pas été attendri par la scène, mais j'ai trouvé le
commentaire parfaitement surréaliste. Avant de proposer ma
lecture (ou mes fantasmes),
j'aimerais connaitre d'autres interprétations. On peut voir le film ici:
vidéo repubblica-pitbull
vidéo repubblica-pitbull
Il y a sur le site de la Reppublica 155 commentaires sur cette vidéo. Je ne les ai pas tous lus et je ne maîtrise pas assez bien l'italien pour prétendre que j'ai tout compris, mais l'ensemble de ces commentaires offre un panorama intéressant, me semble-t-il, des réactions que peut susciter cette vidéo. C'est instructif et finalement sans surprise: on retrouve deux camps, très antagonistes, ceux qui croient que cet animal n'est pas responsable de sa prétendue dangerosité, que le responsable est l'humain qui l'a "dressé" (=torturé), et que ce pauvre chien mérite qu'on lui donne une chance d'être rééduqué, si besoin. Les gens qui pensent cela sont souvent végétariens et ne croient pas que la méchanceté est inscrite dans l'ADN. Les autres, en gros, pensent tout le contraire et s'affichent souvent comme carnivores. C'est un résumé sans doute caricatural, mais pas tant que ça. Comme quoi l'histoire de ce pitbull provoque une polarisation intense des réactions.
RépondreSupprimerÀ titre personnel je me sens plus proche de la position de Gary Françoise, qu'on trouvera ici: http://perseides.hautetfort.com/archive/2012/07/12/le-legs-de-lennox-gary-francione.
Merci pour votre synthèse. En attendant de connaître la position de Gary Françoise et la vôtre (j'ai du mal à ouvrir le lien) je me demande si les publics français et italien sont sur la même longueur d'onde. Selon certains, par exemple, les "antispécistes" français ont peu de points en commun avec leur équivalent italien, les "animalisti".
RépondreSupprimerIl faut lire Gary Francione. Le lien ne semble pas fonctionner. Rechercher sur Google Francione et Lennox.
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RépondreSupprimerJ'ai essayé sans succès le lien indiqué par Juliette. Concernant les commentaires en italien, mon niveau est celui de Bourvil et Louis de Funès dans "Le Corniaud".
J'ai ressenti un vrai malaise devant cette vidéo. D'abord face à la misère du chien et ce que son regard exprime d'intelligence, mais qui est peut-être celle du psychopathe, ensuite, face au décalage tragi comique entre l'expression de cette vie brisée et la voix aigüe de la dame devant qui s'opère le miracle de la résilience, sans qu'elle semble percevoir dans l'érection du chien autre chose qu'une confirmation de sa guérison. Elle parle d'amour, il la prend au mot.
J'ai pensé au billet que vous aviez posté sur votre chien devenu sexuellement agressif après une expérience malheureuse.
J'extrapole sans doute beaucoup trop, mais ça a fait écho en moi à des expériences humaines extrêmes. Rescapée des camps nazis, une femme racontait dans un documentaire sur Arte, que la nuit, le plus souvent possible, en dépit de leur faiblesse physique et du danger, les hommes et les femmes se retrouvaient de part et d'autres des clôtures qui les séparaient et avaient des rapports sexuels plutôt frénétiques. Dans le cadre implacable de leur déshumanisation organisée, ils se conduisaient un peu comme des animaux mais c'était cette fois pour se faire du bien et c'était leur revanche. Je pense aussi aux criminels incarcérés qui profitent parfois de la naïveté de gentilles correspondantes charitables ou fascinées, ou les deux. Il y a vraiment matière à penser à partir de ce film, sur l'humanité et l'humanisation des animaux, l'inhumanité et la déshumanisation des humains, la confusion des genres et des sentiments et que sais-je encore.
"Elle parle d'amour, il la prend au mot" : génial.
SupprimerVous vous intéressez à notre avis, et j'ai lu les deux avis précédents tout à fait intéressants, notamment pour leurs apports respectifs. Mais, personnellement, j'aimerais bien connaître le vôtre parce que cette vidéo me laisse un peu de marbre.
RépondreSupprimerOn a un chien qui remue en permanence la queue (ce que commente au moins deux fois la dame qui s'en occupe - "swaging his tail"). Il semble manifester un désintérêt total pour elle puis, peut-être par curiosité, peut-être pour qu'on lui fiche la paix, s'approche de la main. Il est content des caresses et a même une érection.
Si j'avais une connaissance intime du chien, je pourrais peut-être interpréter tous ces gestes. Mais ce n'est pas le cas. Je ne comprends pas comment on peut dire autant de choses sur cet animal et juger de sa dangerosité ou de son agressivité en quelques minutes, alors qu'il dort dans sa cage. Quant aux mouvements de queue, ils sont permanents, aussi, je ne m'aventurerais pas à les interpréter. Mais les jugements rapides ne concernent pas les chiens. La plupart du temps, on juge telle ou personne à partir de quelques minutes passées en sa présence (c'est quand même un peu plus aisé que pour les chiens car la communication est de meilleure qualité). Généralement, ça ne prête guère à conséquences. Parfois, c'est dramatique (comme un accusé qui se "comporte mal" lors d'un procès en assises par exemple - dans un moment où tout repose sur "l'intime conviction", comme si une conviction avait quelque chose d'intime).
J'ai aussi lu le texte de Gary Francione. Ce n'est sans doute pas le lieu pour polémiquer, mais je tiens quand même à dire qu'il est bâti entièrement sur un sophisme, dit de la "fausse alternative" : soit vous êtes contre toutes les mises à morts ("assassinats") d'animaux, soit vous êtes avec le conseil municipal de Belfast. Réduire un ensemble de problématiques aussi complexe à un tel sophisme, c'est un peu triste.
Comme vous, je ne dispose pas des connaissances zoo-psychiatriques nécessaires pour pénétrer l’esprit d’un pitbull et évaluer son aptitude à la résilience. Je me rends compte par ailleurs que le fait de ne pas avoir lu Gary Francione commence à devenir un handicap. Je chercherai à combler cette lacune dans les jours qui viennent. Quant à mes fantasmes, n’étant pas très optimiste, le film m’inspire le scénario suivant : « La dame adopte le chien qui, comblé par sa bienveillance, se met à l’idolâtrer. Le problème est que ce chien est jaloux, et que la dame a des voisins ». Un scénario banal, je l’avoue, à la hauteur de mes préjugés.
RépondreSupprimerPour ma part, je trouve que votre scénario, pour banal qu'il soit dans l'absolu, est très intéressant. En tout cas, l'attachement affectif (et même sexuel) qui pourrait être celui de ce pauvre chien vis-à-vis de cette dame laisse augurer d'une nouvelle souffrance pour l'animal qui, effectivement, n'est pas seul et qui, je suppose, n'a pas vocation à rester toujours là. En ce qui me concerne, je ne parlais toutefois pas de connaissances zoo-psychiatriques. En lien avec vos précédents articles, étant entendu qu'un chien a une personnalité qui lui est propre (qu'elle soit innée, acquise ou un mélange des deux), je pense qu'on peut comprendre les réactions d'un animal qu'on connait bien parce qu'on vit avec lui depuis très longtemps - comme avec un être humain. Et donc, qu'il est difficile de comprendre ce que signifient attitudes, mouvements de queues etc. d'un animal qu'on ne connait pas. Ce que je trouve intéressant ici est de voir et comparer ce que chacun dit sur la vidéo (sur votrer blog, où les réactions sont quand même particulièrement mesurées et réfléchies, et dans les commentaires de La Repubblica - à savoir l'agressivité innée du bulldog ou autre, le miracle de l'amour, rééducation etc.), plus que ce qu'on pourrait tirer de la vidéo en elle-même ce qui reste, somme toute, bien mince. On en apprend peut-être autant sur la conception de l'homme de ces personnes que sur l'animal.
SupprimerEn ce qui concerne Gary Francione, il semble, si on en croit sa page sur Wikipédia en français, avoir une pensée tout à fait singulière et remarquablement construite. A ce titre là, et à mon humble avis, le manifeste qu'il a écrit à partir du cas de Lennox ne lui rend guère justice.