Rameau de hêtre (Fagus sylvatica) laissé par les "Chantous"
Ça ne se voyait pas
trop, mais à côté de la porte, appuyé au rosier, il y avait un rameau de
hêtre fraichement coupé. Il avait été laissé là par les "Chantous",
comme on les appelle en Bretagne profonde (elle existe encore, par endroits).
Le soir du premier mai les Chantous visitent les maisons de la commune. Ils
chantent, ils boivent un bol de cidre ou un café, ils acceptent des offrandes (œufs, friandises, argent liquide) ils déposent une brindille sur le bord de
la fenêtre en bénissant leurs hôtes (ancien vestige de cultes agraires
pré-chrétiens), puis ils poursuivent leur quête. Un truc bon pour les folkloristes,
quoi.
Bien que légèrement
ému (cela fait toujours plaisir d'être traité comme un autochtone), je me suis
demandé : « Quel anthropologue sérieux, aujourd'hui, pourrait
s'intéresser à ces survivances du passé alors que le monde est traversé par de grandes
questions comme la biodiversité, le développement durable et le réchauffement
climatique ? »
Dans mon for
intérieur une voix éclairée a répondu, « Tu te trompes : il suffit
d'analyser l'événement du point de vue de l'anthropologie politique à la
rubrique : “Phénomènes identitaires” ou “L'invention de la tradition” pour
le replacer dans le cadre de la contemporanéité ».
Après réflexion, je
me suis dit que l'usage de la notion d'identité, désormais, est bien un “vieux
truc” à l'instar des “Chantous” du mois de mai, et qu'il ne suffit pas de
remplacer l'étude des fêtes champêtres par celle des rave parties, ou encore le
terme “nature” par le terme “environnement” pour avoir un nouveau regard sur la
réalité. La contemporanéité est moins dans l'objet étudié que dans la manière
de l'aborder et de le présenter.
Mais cette dernière
remarque aussi, indéniablement, est déjà un “vieux truc”.
Les chantous seraient-ils des avatars bretons de notre traditionnel arbre de Mai ?
RépondreSupprimerSophie