Vincenzo Campi (vers 1580-1590}. Mangeurs de ricotta et fiers de l'être
Comme je le disais dans le post précédent,
« Nous ne sommes pas en présence d’une simple liste de préférences ou de dispositions psychologiques. Tout semble se passer comme si les couples antinomiques qui viennent d’être évoqués, conçus comme autant d’éléments d’une stratégie symbolique, remplissaient une même fonction, exprimaient le même message : "Je peux abattre les bécasses parce que je dédaigne la volaille d’élevage ; je peux chasser le perdreau car il est plus sauvage que le faisan ; j’ai le droit de traquer le cerf parce que je m’apitoie sur le sort du pinson (et réciproquement) ; mon mépris pour la corrida anoblit mon amour pour la chasse ; ma haine pour la chasse compense mon amour pour la corrida ; ma répulsion pour la viande des bêtes mal entretenues et mal tuées justifie mon faible pour celle des bêtes qui ont grandi dans le bonheur ; si je mange sans soucis des tournedos, c’est que j’ai horreur des pieds de porc* ; si je déguste du poulet d’un cœur léger, c’est que j’épargne mon dalmatien. Si je goûte aux homards, qui sont assez stupides, c’est que je renonce aux dauphins, qui ne le sont pas du tout".**
Mais que pense l’animal de tout cela ? Aucune idée, bien entendu, mais on peut toujours faire semblant ***. Ce sera l’objet du prochain billet.
* L’opposition entre ceux qui aiment reconnaître dans leur assiette l’animal qu’ils mangent et ceux qui préfèrent des boulettes anonymisées n’est au fond, dans cette perspective, qu’une déclinaison de ce plus large système de déculpabilisation.
**Issu de L’éloquence des bêtes. Quand l’homme parle des animaux, Paris, Métailié, 2006, p. 180.
*** C’est la norme, aujourd'hui, d'être les porte-parole de la pensée animale.
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