L’année passée, dans notre séminaire qui va bientôt redémarrer, Anne Simon nous a parlé de la zoopoétique : « Les vivants sont tous "empêtrés dans des histoires". Récusant une pensée de la disjonction irrémédiable entre le langage et la vie, la zoopoétique restitue la diversité des actions et des comportements qui engagent les bêtes, de la plus infime à la plus impressionnante, de la plus familière à la plus étrangère, dans des formes multiples d’expressivité. Les bêtes, charnelles et réelles, non l’animal». *
C’est le rêve des anthropologues, finalement : restituer l’expérience du Divers, comme le dirait Victor Segalen**, dans son immédiateté. Le mouvement de l’Autre, son style, sa manière d’être au monde organisent mes émotions, rythment mes phrases, instruisent mon vocabulaire.
J’ai trouvé un exemple admirable
de zoopoétique chez Luigi
Trucillo, un poète italien. Sa collection de poèmes qui s’appelle Birds*** est
une sorte d’arche de Noé pour ornithologues. Toute l'avifaune y est représentée ou
presque, de l’oiseau du Paradis (Diphyllodes
respublica) à l’humble moineau de trottoir (Passer domesticus), de la Sterne de Forster (Sterna forsteri) à l’alouette (Alauda
arvensis), du Boeing à Titti.
Voici juste deux courts exemples que je ne prétends pas traduire. Au lecteur français le plaisir du décryptage :
Chardonneret (Carduelis carduelis)
Sul cedro
la nota che sale
dal petto
sconfina in un nuovo territorio :
i suoni rubati
per l’apprendimento del canto
cristallizzano la corteccia del cervello
come un sussurro arboreo.
°°°°°°
Stormo
Onde di movimento.
Direzioni e distanze imitate
in un millesimo
Sprazzi improvvisi
come le maglie interagenti della rete
di una mente collettiva
Insight delle molecole …
*Anne Simon, Une bête entre les lignes. Essai de zoopoétique, Paris, Wildproject, 2021, p. 63
** Un Divers qui ne l'est pas tant que ça, finalement,
*** Luigi Trucillo, Birds, Macerata, Giometti & Antonello, 2022
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