Auteur anonyme : nature morte
" Il était cinq heures du matin,
on avançait dans les marais couverts de brume. J'avais mon fusil dans les
mains, un passereau prenait au loin de l'altitude. Les chiens pressés
marchaient devant dans les roseaux", chantait Michel Delpech en
1974. À l'époque de sa création - celle des grands succès de Bob Dylan, John
Lennon ou David Bowie - cette chanson était déjà "démodée" (démodée
mais poétique et tout à fait "juste", dans le registre national-populaire
qui était le sien*). La chasse aussi était en train de passer de mode, même si
c'est vers la fin des années 1970, en France, qu'on
atteint le record du nombre de permis de chasse (2.000.000). Delpech même, on
le découvre dans les couplets qui suivent, perçoit l'ambiguïté de l'acte de
chasser : " Avec mon fusil dans les mains au fond de moi je me sentais un
peu coupable. Alors je suis parti tout seul, j'ai emmené mon épagneul en
promenade. Je regardais le bleu du ciel et j'étais bien".
Personnellement, je trouve cette chanson un peu trop "bon enfant",
bien que douée d'une certaine grâce narrative (je préfère, par exemple, "Quand
j'étais chanteur", où il a le culot de pronostiquer la date du décès de
Mick Jagger). Aujourd'hui, en tout cas, un texte de ce genre serait littéralement
inacceptable. Pour une large partie de l'opinion publique, en paraphrasant Théodore
Monod, les arguments du chasseur "ne sont que des sornettes émises par des
criminels virtuels".
Cela peut paraître bête, mais je trouve
la position de Théodore Monod, dans ce qu'elle a de péremptoire, moins
"humaine" que celle de Michel Delpech.
* National-populaire, en esthétique, est une formule lancée par Antonio Gramsci, philosophe et homme
politique italien.
* Théodore Monod, Le chercheur d'absolu, Paris, Le cherche
midi éditeur, 1997, p. 69.
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