Les anthropologues du XIXème siècle donnaient beaucoup d’importance à la question des origines. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Inutile de s’interroger sur l’origine d’un récit mythique, nous ont appris Marcel Mauss et Claude Lévi-Strauss. Ce qui compte, dans le mythe, sont ses emplois contextuels, sa structure, ses liens avec l’ensemble dont il fait partie.
Sans trop m’interroger sur l’origine de la vigne mythique qui poussait spontanément dans le fond du jardin, j’étais néanmoins heureux de connaître son identité. Il s’agissait du cépage Baco, le bon vieux Baco que les campagnards des Préalpes de Vénétie ont toujours utilisé pour produire leur piquette très proche d’une potion magique. Lorsque François, un vieux monsieur qui habitait dans une maison rurale au fond de la Bretagne, m’a donné un pied de sa vigne en signe d’amitié, j’étais touché et hésitant à la fois : « En France – me disais-je – il existe environ 6.000 cépages différents. Que vais-je planter ? Une nouvelle peste végétale qui déploiera ses tentacules en profitant du soleil méditerranéen ? Comment vont cohabiter du raisin celte et du raisin latin ? ». Heureusement tout s’est bien passé. Le nouveau plan s’est installé sur les tringles sans gêner la vigne autochtone. En transmettant la bonne nouvelle à François je lui ai demandé : « A propos, François, tu connais le nom du cépage ?». « Bien sûr, c’est du Baco ».
C’est comme pour l’if censé pousser dans le jardin indépendamment de nos projets. La présence du Baco à cet endroit, tout aussi « nécessaire », était inscrite dans un plan transcendant.
Le monde sensible de votre « jardin extraordinaire » s’obstine à s’ouvrir sur l’ « arrière-monde ».
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