Theodore de Bry (1528-1598). Anthropophages brésiliens.
Je reviens sur la polémique déclenchée par Sandrine Rousseau, députée de Europe Écologie Les Verts, à propos des hommes qui aiment se prendre en photo pendant qu’ils gèrent le barbecue de famille (ce n’est pas du Robert Doisneau, c’est vrai, c'est de l' « art moyen », comme le dirait Bourdieu). Pour commenter cet usage pittoresque Sandrine Rousseau mobilise des formules solennelles : « rapport de domination » « système de consommation » « réflexes identitaires ». Ça fait très sérieux et très scientifique. Et d’ailleurs, dit-elle, « toutes les études scientifiques démontrent que … ». Elles démontrent quoi, au juste ? Que le stéréotype existe, d'accord. Mais l’association viande/virilité n’est pas une invention capitaliste. Elle n'est même pas forcément une trouvaille phallocratique. Elle répond à une logique symbolique qui dépasse les clivages sexuels. Il y a de fortes raisons de croire que les femmes des sociétés non-modernes tenaient à la virilité de leurs conjoints et qu’elles partageaient toute une série de croyances autour des aliments susceptibles de la préserver*.
Dans le discours de la députée il y a une diabolisation sournoise des mangeurs de grillades : par leur voracité de viandards, ils marquent une asymétrie sociale (« Les grands mangeurs de viande c’est nous les mecs, et on y tient … »). Leur position hégémonique derrière le barbecue implique aussi une responsabilité morale, celle des millions d'innocents fournissant la matière pour leurs festins priapiques. Les études anthropologiques menées chez les chasseurs-cueilleurs (célèbre, à ce sujet, la contribution d’Alain Testart**), montrent que si les femmes ne chassaient pas (elles le faisaient, en fait, mais en se limitant à certaines techniques et en respectant des tabous), elles s’occupaient largement de la préparation du gibier qu’elles dégustaient, joyeuses et reconnaissantes, à côté de leurs compagnons.
Par rapport à la mort de l’animal, hommes et femmes étaient en fait complices. Ils collaboraient, comme c’est souvent le cas encore aujourd’hui dans plusieurs domaines (celui de la sexualité par exemple) ***.
* Pas toutes, d'accord.
**Alain Testart, L’amazone et la cuisinière. Anthropologie de la division sexuelle du travail Paris, Éditions Gallimard, 2014.
*** Pour éviter toute équivoque, je rappelle que je suis très sensible à la question environnementale et que j’inscris mon apport critique dans la tradition démocratique et progressiste.
La rigueur scientifique de Sandrine est sujette à caution :
RépondreSupprimer« Devant les étudiants de l’université de Louvain, en Belgique, Sandrine Rousseau, députée EELV, a démontré que les théories économiques de Ricardo (1772-1823) et de Malthus (1766-1834) étaient « très inspirées par les théories de Darwin [1809-1882] », dont l’ouvrage majeur, l’Origine des espèces a été publié en 1859, bien après la mort de ses deux « disciples …» »*
*journal Marianne 17/09/22
Armelle Sêpa