Au début des années 1970, lorsque la maison fut bâtie, on adorait le progrès. La modernité était bien plus intéressante que la tradition. Les paysans achetaient leurs fruits au supermarché* et les mamans gavaient leurs nourrissons avec du lait artificiel*.
Les agronomes veillaient zélés à la production de fruits impeccables, tous des mêmes dimensions, qui ne pourrissaient jamais et rejoignaient, dans leur paraître, la perfection du plastic. Puisque, côté musique, nous étions plutôt « rock and roll » (pas tous) , nous avons planté un pommier susceptible de produire les mêmes pommes vertes qui trônaient sur les disques des Beatles. Il y avait là-dedans un message alternatif : « Tu vois ? C’est vert et pourtant c’est sucré. Il ne faut pas croire aux apparences ». Pendant un certain temps, nous avons fait semblant d’apprécier ces pommes alternatives et de les trouver, à leur manière, savoureuses (même si quelqu’un parmi nous prétendait qu’elles sentaient le vinyle). Nous avons fini par reconnaître que l’apparence et la substance, dans ces pommes, convergeaient : elles étaient vertes et acerbes à la fois. Elles étaient tout aussi acerbes qu’une pomme traditionnelle qui n’a pas atteint sa maturité. Et ceci - on avait beau patienter - jusqu'au moment où elles tombaient de l’arbre par senescence. (À suivre)
* Pas tous, c’est vrai.
** Une frange encore plus branchée, simultanément, prônait le retour au lait maternel.
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