lundi 19 septembre 2022

Au nom de la science. Sandrine Rousseau et le barbecue


Theodore de Bry (1528-1598). Anthropophages brésiliens.

 

Je reviens sur la polémique déclenchée par Sandrine Rousseau, députée de Europe Écologie Les Verts, à propos des hommes qui aiment  se prendre en photo pendant qu’ils gèrent le barbecue de famille  (ce n’est pas du Robert Doisneau, c’est vrai, c'est de l' « art moyen », comme le dirait Bourdieu). Pour commenter cet usage pittoresque Sandrine Rousseau mobilise des formules solennelles : « rapport de domination » « système de consommation » « réflexes identitaires ». Ça fait très sérieux et très scientifique. Et d’ailleurs, dit-elle,  « toutes les études scientifiques démontrent que … ». Elles démontrent quoi, au juste ?  Que le stéréotype existe, d'accord. Mais l’association viande/virilité n’est pas une invention capitaliste. Elle n'est même pas forcément une trouvaille phallocratique. Elle répond à une logique symbolique qui dépasse les clivages sexuels. Il y a de fortes raisons de croire que les femmes  des sociétés non-modernes tenaient à la virilité de leurs conjoints et qu’elles partageaient toute une série de croyances autour des aliments susceptibles de la préserver*.

Dans le discours de la députée il y a une diabolisation sournoise des mangeurs de grillades :  par leur voracité de viandards, ils marquent une asymétrie sociale (« Les grands mangeurs de viande c’est nous  les mecs,  et on y tient … »). Leur position hégémonique derrière le barbecue  implique aussi une responsabilité morale,   celle des millions d'innocents fournissant la matière pour leurs festins priapiques. Les études anthropologiques menées chez les chasseurs-cueilleurs (célèbre, à ce sujet, la contribution d’Alain Testart**), montrent que si les femmes ne chassaient pas (elles le faisaient, en fait, mais en se limitant à certaines techniques et en respectant des tabous), elles s’occupaient largement de la préparation du gibier qu’elles dégustaient, joyeuses et reconnaissantes, à côté de leurs compagnons.

Par rapport à la mort de l’animal, hommes et femmes étaient en fait complices. Ils collaboraient, comme c’est souvent le cas encore aujourd’hui dans plusieurs domaines (celui de la sexualité par exemple) ***. 


* Pas toutes, d'accord.

**Alain Testart, L’amazone et la cuisinière. Anthropologie de la division sexuelle du travail Paris, Éditions Gallimard, 2014.

*** Pour éviter toute équivoque, je rappelle que je suis très sensible à la question environnementale et que j’inscris mon apport critique dans la tradition démocratique et progressiste.

1 commentaire:

  1. La rigueur scientifique de Sandrine est sujette à caution :
    « Devant les étudiants de l’université de Louvain, en Belgique, Sandrine Rousseau, députée EELV, a démontré que les théories économiques de Ricardo (1772-1823) et de Malthus (1766-1834) étaient « très inspirées par les théories de Darwin [1809-1882] », dont l’ouvrage majeur, l’Origine des espèces a été publié en 1859, bien après la mort de ses deux « disciples …» »*
    *journal Marianne 17/09/22

    Armelle Sêpa

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