samedi 29 juin 2024

Éco-touristes et autres pisteurs de parking

 

 

Pour croiser Callum on n’avait pas besoin de se rendre dans le saltus, cet espace intermédiaire entre le domestique et le sauvage propice aux rencontres interspécifiques. Il suffisait de garer sa voiture sur le parking de Torridon, dans les Highlands (Écosse). Le cerf était là, prêt à seconder toutes sortes de selfies. On lui offrait des Rice Krispies, des fruits et des barres de céréales qu’il acceptait de bon gré. Ses dents ont pourri et sont tombées l’empêchant de prolonger son régime herbivore. Il a fallu l’euthanasier.

jeudi 27 juin 2024

Pour qui votent les propriétaires de dobermans ?

 


Arrêtons avec les  préjugés, tous les dobermans ne sont pas d'extrême droite. Leurs propriétaires non plus.

En Italie ce n'est pas comme en France. Certains électeurs de  Madame Meloni  se réclament ouvertement du fascisme, ce fascisme authentique, originaire, à la bonne franquette, qui pendant vingt ans a satisfait la  plupart des patriotes péninsulaires.

On réhabilite le fascisme en disant qu’il y a des gentils et des méchants un peu partout, ce qui n’est pas complètement faux.

Mon sentiment -  je le rappelle de temps en temps – est que le fascisme, avant d'être une idéologie, est un tempérament (que l'on peut  retrouver chez les membres de n'importe quelle formation politique mais à des doses variables*). Et je propose la définition suivante : le fasciste est celui qui cherche à imposer  son point de vue  par l'usage de la force**. Lorsque la majorité des électeurs partage le point de vue du fasciste,  cet usage devient superflu. On parlera alors de choix démocratique***.
 
* Certaines traditions politiques se montrant plus attrayantes  que d'autres pour les individus présentant ces traits de caractère et cette mentalité.
** Ou de la ruse, de la désinformation, du chantage ... Autre définition : le fasciste est celui qui n'a pas de doutes  sur l'excellence de sa vision des choses et prétend l'imposer à tout le monde. On appréciera, j'espère, l'œcuménisme de cette formule : libéré de son ancrage historique  ("Ne faisons pas d'amalgames, dit le post-fasciste, le vrai fascisme correspond à une époque précise et révolue ...") l'adjectif "fasciste" récupère sa fonctionnalité, celle d'une représentation sociale (au sens technique du terme) qui nous permet de nous entendre autour d'une idée complexe,  aux nuances variables, dont nous partageons le noyau dur (et qui peut s'exprimer par des propos du genre :  "Arrête de te comporter comme un.e fasciste!").  
*** Ai-je le droit d'ironiser? Je sais bien que  le vote pour l'extrême droite, aujourd'hui,  n'a rien de "caractériel". Ça répond à un véritable malaise sociétal et figure pour certains comme un dernier recours. C'est l'appel désespéré, après avoir tout tenté, à un  deus ex machina  censé sauver les victimes d'une gestion calamiteuse de la vie publique qui a duré trop longtemps. La correspondance de certains tempéraments avec certaines manières de pratiquer la politique (et de choisir son chien, pour continuer avec ce parallélisme caricatural) ne cesse toutefois de m'interpeller. J'ajouterai une dernière remarque : la partie de la population française qui vote pour l'extrême droite par désespoir ne doit pas nous faire oublier l'autre partie, qui le fait  parce qu'elle est intrinsèquement, structurellement ... je peux éviter de dire "fasciste", si on trouve que ce terme n'est pas assez précis. Les synonymes ne manquent pas.

mardi 25 juin 2024

Cauchemar préélectoral


Je voulais rédiger, tant qu'il est encore temps,  un billet intitulé « Tradition rurale,  pesticides et biodiversité ». Pendant un instant, je me suis projeté dans le futur et j’ai imaginé un fonctionnaire du nouveau gouvernement français (plus patriotique  que le précédent),  m’invitant à arrêter mes plaisanteries au nom de l’intérêt national : « C'en est fini, les messieurs je-sais-tout, d'entraver le développent économique et moral du Pays avec vos balivernes radical-chic. On va vous remettre sur le rail ».

C'est dire si je suis paranoïaque*.

* D'autant plus que mon blog n'intéresse pas grand monde, ce qui me laisse  libre de gesticuler tant que je veux.  Et il est vrai que les responsables du Rassemblement national ne sont plus ceux qui à Marignane, en 1996, ont mis un terme à l'abonnement de la bibliothèque municipale au quotidien Libération, remplacé par Présent et Rivarol cf. https://www.lemonde.fr/archives/article/1996/12/20/la-bibliotheque-de-marignane-prefere-present a-liberation_3744558_1819218.html

 

dimanche 23 juin 2024

Les prévisions de Maurice

 


Le 9 juin Maurice a frappé à la fenêtre vers onze heures du soir. Il était très excité. J’ai capté quelques mots décousus : « 40% », «opportunité historique » « patriotes », « décomplexés ». Il est vite reparti. Il étai déjà loin dans le ciel lorsque j'ai entendu une dernière phrase. Je n’ai pas bien compris s'il disait « Ils reviennent » ou « On revient ». Quelqu'un lui a répondu : « Ils ont toujours été là ».

vendredi 21 juin 2024

Des friches partout? Le réensauvagement de la planète et ses implications

N'hésitez pas à participer à la prochaine séance (la dernière pour cette année universitaire)  du séminaire : Ruralités contemporaines en question (s).

 

ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (Paris)

 

Pierre Alphandéry, chercheur honoraire INRAE

Christophe Baticle, MCF, Univ. Aix-Marseille LPED / Habiter le Monde

Sophie Bobbé, chercheure associée au laboratoire LAP – EHESS

Sergio Dalla Bernardina, professeur émérite, Univ. Bretagne Occid (LAP-EHESS)

Maxime Vanhoenacker, chercheur CNRS (LAP), référent pour cette UE

 

Lundi 24 juin 2024, 11h-13h

 

Salle AS1-24 - 54 bd Raspail 75006 Paris

En présentiel et en visio :

 

https://bbb.ehess.fr/b/sop-isd-pab-gfr

 

Le Réensauvagement et les marges rurales européennes.

Récits idylliques, résistances et frictions du réel

 

Régis BARRAUD

Géographe, Professeur des universités, Université de Poitiers, laboratoire UR MIMMOC

 

Présentation : Sergio Dalla Bernardina

 

Le rewilding (ci-après RW), que l’on traduira ici par « réensauvagement » en langue française, est devenu un attracteur puissant dans les champs de la conservation de la nature, des médias, de la production scientifique et artistique. Formalisée au début des années 1990, l’idée du RW est née aux Etats-Unis à la lisière de l’environnementalisme radical et de la biologie de la conservation.

Il s’agit d’un processus intentionnel qui s’inscrit dans une stratégie de conservation de la nature et de restauration écologique à grande échelle, valorisant l’autonomie des milieux (Barraud, 2020a). Les initiatives de RW en Europe sont portées par des ONGs environnementales, des propriétaires privés, ou encore des fondations. Ce mouvement est de plus en plus médiatisé et le RW s’impose comme une solution technique crédible pour un nombre croissant de praticiens de la conservation, y compris au sein d’aires protégées.

Ce faisant, le RW tend à devenir un mot magique et, s’affranchissant de son origine radicale initiale, il semble promis à rejoindre les vastes répertoires du mainstream  et des mots-valises. Porteur d’espoir, il vise à réenchanter les discours de la conservation de la nature et à susciter un enthousiasme nouveau dans un contexte de grand péril écologique planétaire. D’une certaine manière, le RW alimente des récits solutionnistes qui répondent à celui de l’Anthropocène. Cependant, la belle histoire d’un monde plus sauvage et plus humain s’affranchit, selon nous, d’aspérités et de frictions que nous souhaitons mieux appréhender. Si le RW est relativement ubiquiste, ses effets sur les espaces périphériques et fragiles doivent être évalués. Cette proposition s’inscrit dans le champ des humanités environnementales et de l’approche Political Ecology. Premièrement, il s’agira d’identifier les types de RW en cours de déploiement à l’échelle européenne tout en mettant en évidence les caractéristiques spatiales de ce processus. Deuxièmement, des études de cas permettront d’illustrer cette typologie et d’ouvrir la discussion sur les formes d’ancrages sociopolitiques des initiatives de RW étudiées.

 

mercredi 19 juin 2024

Guy de Maupassant et le plaisir de tuer 2) Un froid de canard

 


Voici donc la scène finale du récit que j'ai évoqué dans la billet précédent. Maupassant y décrit le moment où, engourdi par un froid polaire, il procède avec son cousin à l’abattage de deux canards sauvages :

« Le jour s’était levé, un jour clair et bleu ; le soleil apparaissait au fond de la vallée et nous songions à repartir, quand deux oiseaux, le col droit et les ailes tendues, glissèrent brusquement sur nos têtes. Je tirai. Un d’eux tomba presque à mes pieds. C’était une sarcelle au ventre d’argent. Alors, dans l’espace au-dessus de moi, une voix, une voix d’oiseau cria. Ce fut une plainte courte, répétée, déchirante ; et la bête, la petite bête épargnée se mit à tourner dans le bleu du ciel au-dessus de nous en regardant sa compagne morte que je tenais entre mes mains.

Karl, à genoux, le fusil à l’épaule, l’œil ardent, la guettait, attendant qu’elle fût assez proche.

— Tu as tué la femelle, dit-il, le mâle ne s’en ira pas.

Certes, il ne s’en allait point ; il tournoyait toujours, et pleurait autour de nous. Jamais gémissement de souffrance ne me déchira le cœur comme l’appel désolé, comme le reproche lamentable de ce pauvre animal perdu dans l’espace.

Parfois, il s’enfuyait sous la menace du fusil qui suivait son vol ; il semblait prêt à continuer sa route, tout seul à travers le ciel. Mais ne s’y pouvant décider il revenait bientôt pour chercher sa femelle.

— Laisse-la par terre, me dit Karl, il approchera tout à l’heure.

Il approchait, en effet, insouciant du danger, affolé par son amour de bête, pour l’autre bête que j’avais tuée.

Karl tira ; ce fut comme si on avait coupé la corde qui tenait suspendu l’oiseau. Je vis une chose noire qui tombait ; j’entendis dans les roseaux le bruit d’une chute. Et Pierrot me le rapporta.

Je les mis, froids déjà, dans le même carnier... et je repartis, ce jour-là, pour Paris »*.

 

On peut être étonné par le caractère schizophrène de cette narration. L’auteur nous montre à quel point il est conscient de la profonde « humanité » de ce couple d’oiseaux et, en même temps, de l’atrocité de son geste. Cependant, il ne conclut pas comme on pourrait l'imaginer, par une phrase du genre  : « Depuis ce jour, j’ai accroché mon fusil au mur ». Avec une lucidité glauque de fossoyeur, il se limite à constater, de façon lapidaire, que les deux corps qui vont se rejoindre  dans le carnier sont déjà froids.

En parlant de son ambivalence, qu’il observe de l’extérieur tout aussi ébahi que son lecteur, Maupassant parle de la complexité de la nature humaine en général.

 

* Guy de Maupassant : Amour. Texte publié dans Gil Blas du 7 décembre 1886, puis publié dans le recueil Le Horla (pp. 69-84). 

lundi 17 juin 2024

Guy de Maupassant et le plaisir de tuer. 1) Primitivismes

 


 

Il m’arrive parfois de citer un passage de Maupassant où il avoue son attrait pour les aspects sanglants de l’acte de chasse : « Je suis né avec tous les instincts et les sens de l’homme primitif, tempérés par des raisonnements et des émotions de civilisé » écrit-il, témoignant ainsi de la même  fascination pour le monde des origines que l’on retrouve chez Lawrence, London ou Conrad. Et juste après : « J’aime la chasse avec passion ; et la bête saignante, le sang sur les plumes, le sang sur mes mains, me crispent le cœur à le faire défaillir ». J’ai l’habitude de présenter ce propos comme une sorte de coming out à une époque où ce genre de dispositions commençait à rentrer dans l’ordre de l’indicible*. J’ai toujours omis d'évoquer, parce que ça ne servait pas à ma démonstration, le reste du récit que je commenterai dans le prochain billet.

 

*Cf.  L’utopie de la nature. Chasseurs, Écologistes, Touristes, Paris, Imago, 1996, p. 25 et suiv.

samedi 15 juin 2024

Tricksters, médiateurs, animaux qui surgissent etc. Autour de quelques vieilles idées auxquelles je tiens

 


Dans l’introduction à mon ouvrage La langue des bois. L’appropriation de la nature entre remords et mauvaise foi, Paris, Éditions du MNHN, 2020 (qui maintenant, je le rappelle, est en libre accès : https://books.openedition.org/mnhn/7745), j’ai résumé une partie de mes idées en matière d’anthropologie de la chasse et de la nature.  J’ai cherché à ne pas trop insister sur celles que j’ai exprimées dans L’Utopie de la nature. Chasseurs, écologistes, touristes (Paris, Imago, 1996) et, dans un cadre plus ethnographique, dans des articles en français publiés au début de mes recherches. Je les avais rassemblés dans l’ouvrage : Il miraggio animale : per un’antropologia della caccia nella società contemporanea (Roma, Bulzoni, 1996, troisième édition élargie, 1997).

L’autre jour je suis tombé sur cette vieille publication et je me suis aperçu que dans sa présentation je faisais déjà référence aux questions qui animent le débat contemporain, à commencer par celle de l’écologisme vrai ou présumé du chasseur « traditionnel ». Je me suis alors demandé quelles sont les autres idées, développées dans mes premiers travaux, auxquelles je tiens particulièrement. Trois ou quatre d’entre elles  me sont venues immédiatement à l’esprit. La première concerne la structure du témoignage cynégétique. En comparant entre eux les récits d’avant la prise de conscience écologiste j’ai constaté l’existence d’une scénographie  de longue durée issue de l’univers chevaleresque, et plus tard romantique, jouant sur une double rhétorique : la chasse comme noble confrontation (le chasseur duelliste et guerrier), la chasse comme poursuite d’un objet de désir (le chasseur amoureux). Sur un autre registre, je tiens beaucoup  à mon recours à la figure du Trickster pour définir la psychologie et le rôle des accompagnateurs autochtones, ces guides, ces médiateurs qui facilitent le contact du chasseur urbain avec la nature dite sauvage.* J’ai été particulièrement content du  chapitre de L’Utopie de la nature « Les délices du safari-photo » (et du paragraphe « Très anglais, très raffiné, très “Good Morning Sir”»), où je montre l’importance des antécédents illustres et des modèles littéraires, dans la passion des contemporains pour le tourisme culturel et pour le safari-photo. Dans l’Utopie de la nature j’insiste également sur la rencontre de l’animal en tant qu'apparition (cf. le paragraphe « L’apparition de la proie, (p. 117 et suiv.)** et, plus largement, sur le caractère fictionnel de la nature sauvage et de la manière dont le chasseur construit le caractère « désertique » des espaces qu’il investit dans ses divagations sylvestres. Je cite à ce propos la notion de « désert » telle qu’elle a été analysée par les médiévistes. Cette même idée est au cœur  de l’ouvrage collectif  Terres incertaines. Pour une ethnologie des espaces oubliés, PUR, 2014». Dans l’introduction j’avance l’hypothèse que l’opacité statutaire des espaces marginaux, loin d’être la conséquence d’un manque d’information, est une ambiguïté délibérément entretenue.

Cela vaut aussi pour d'autres domaines du réel dont l'opacité nous arrange.

 

* Ce rapprochement revient très souvent dans mes travaux, comme par exemple dans l’article « Une place dans la nature . Boiteux, borgnes et autres médiateurs avec le monde sauvage » Communications,  Nouvelles figures du sauvage, 2004 n. 76 pp. 59-82

** J’ai repris cette analyse, en l'appliquant à l’engouement actuel pour la rencontre avec l’animal, dans Faut qu’ça saigne. Écologie, religion, sacrifice, éd. Dépaysage, 2020 (cf. le paragraphe « L’homme (ou la femme), qui a vu le loup », p. 73 et suiv. 

 

 

 

jeudi 13 juin 2024

Heureusement qu'il y a les loups (pour continuer la chasse par animal interposé)


 Le Parmesan (1503-1540) : Le mythe de Diane et Actéon

La conférence présentée il y a quelques semaines   dans le cadre du Forum Universitaire de l'Ouest Parisien  organisé par la Bibliothèque de Boulogne-Billancourt a été reprise par la chaine Canal U et est accessible au  lien suivant : https://www.canal-u.tv/chaines/fudop/et-si-les-grands-predateurs-commencaient-a-nous-fatiguer-le-declin-de-la-chasse-comme

Elle est consacrée au déclin de la chasse et aux métamorphoses. Pourvoyeur d'un spectacle sanglant apprécié et offert au grand public par des générations de peintres et d'écrivains,  le chasseur change de statut.  Ce n'est pas la première fois :  Actéon, regardant Artémis de trop près, fut transformé en cerf et devint ainsi la proie de ses chiens. Le chasseur contemporain se limite à disparaître. Il est remplacé par le loup, qui continue à nous assurer le plaisir d’assister à des « immolations » - pour dire les choses de façon imagée -  sans besoin de nous salir les mains .*

 

*En réécoutant la conférence, je découvre que, pris dans la spirale des métamorphoses, à un certain moment,  j'ai transformé Artémis en Vénus (alors que Vénus, par rapport à Artémis,  aurait réagi différemment). J’espère qu’elles me pardonneront ce fâcheux  quiproquo.

mardi 11 juin 2024

Théologie et éthologie. Autour d'une anagramme.

 

Augustin, saint patron des théologiens,  dans son cabinet de travail

(Botticelli, vers 1480).

Dans une réaction récente à mon blog je suis tombé sur le terme néuro-éthologiste. Dans un premier temps, par distraction,  j’ai lu « néuro-théologiste » et je me suis dit : « Tiens, c’est une drôle de spécialité ! ».

Ça doit venir de mes origines italiennes : etologo  (le spécialiste  du comportement animal) est l’anagramme de teologo (le spécialiste des prérogatives divines). 

Mais ça vient aussi de ma tendance à voir dans la controverse contemporaine sur le statut des animaux la multiplication des  confessions et des chapelles, avec leurs prêtres et leurs gourous. On ne se chamaille plus au nom de la religion, on le fait au  nom de la science.

L’éthologie, par une sorte d’évolution darwinienne, est en train de remplacer la théologie.*

 

* Je demande pardon aux éthologues, pour qui j'ai la plus grande considération. Ce n'est pas leur discipline que je me permets de critiquer, mais son détournement à de fins idéologiques.

dimanche 9 juin 2024

L'œil du gallinacé

 

 

Poule. Merci pour cette photo inspiratrice

Les poules, ces énigmes à deux pattes. On les regarde dans les yeux et on comprend  tout de suite qu’elles partagent avec nous la même stupidité *

 

*  Ce que je dis est parfaitement infondé, je le sais, d'autant plus que l'on vient de m'apprendre plein de choses  inattendues sur la variété des profils psychologiques des poules  et sur le caractère complexe de leur vie sociale. N’étant pas éleveur ni éthologue, je me permets de fantasmer (de façon raciste, pourrait-on objecter), autour de l'unité du vivant et de ses conséquences. Chez les humains,  il y a des composantes que l'on retrouve également  chez le loup, le cerf,  l'aigle, le lion ...  ce qui favorise la compréhension interspécifique et nous permet de concevoir des blasons très avantageux. Mais si nous avons quelque chose en commun avec l'aigle et le lion, nous avons des affinités aussi avec la poule et le  canard. Dans ma première enfance, d'ailleurs, je m'identifiais à Donald Duck.

vendredi 7 juin 2024

Le statut du chat (et du kentia)

 


 

J’aime beaucoup mon kentia. On cohabite depuis trente ans.  Il anoblit ma pièce et lui donne un ton exotique,   avec ses branches de palmier qui n’ont rien à voir avec mes racines alpestres. Je le contemple avec admiration, dans son ancienneté bien réussie, comme s’il était une  sorte de stradivarius. J’aime aussi le chat qui circule depuis quelque temps dans la maison. Mais il est bien plus récent.  Il s’avère que ce chat a pris l’habitude de mordiller les feuilles du kentia. Il sait qu’il ne devrait pas, je lui en ai parlé à plusieurs reprises, mais j’ai beau le menacer,  il récidive.  Je l’ai surpris tout à l’heure en plein  repas végétarien*. Il m’a regardé d’un air indifférent comme pour dire : « Eh ben oui, c’est comme ça ».

Alors je lui ai dit : « Écoute, je ne sais pas si tu es au courant, mais notre conception du vivant est en train d’évoluer. Les végétaux, désormais, valent autant que les animaux. Si tu continues comme ça, je vais te taxidermiser ».

Je pense qu’il a compris.

 

* L’herbe à chat ne lui convient pas, il la trouve une pitance  de petit-bourgeois.

mercredi 5 juin 2024

Maurice au présent

 

On m’a demandé ce que devient Maurice.

Maurice est toujours là, je crois. Il me regarde de loin, dans une sorte de décalage spatial et chronologique, comme si j’étais une vieille diapositive.

lundi 3 juin 2024

La flemme olympique


Chez les Français, paraît-il, l’enthousiasme pour les Jeux Olympiques a du mal à décoller.

Je les comprends. A priori j’aime bien les Jeux Olympiques mais lorsque j’assiste aux gesticulations des médias pour allumer dans mon cœur, par le biais du sport,  la fierté patriotique, j’ai hâte qu’ils se terminent au plus vite*. 

C’est comme pour l’écologie. J’y tiens beaucoup, mais quand sa promotion devient  une messe, j’ai envie de quitter les lieux.

* Le terme "patrie"  a un background complexe. Il fait référence à de nobles sentiments mais parfois il sent mauvais. Tout dépend du locuteur.

samedi 1 juin 2024

Les veilleurs du vivant (contempler sans frimer)

 



 

Dans ce blog je passe pas mal de temps à signaler nos contradictions : les écologistes ne sont pas si écologistes qu’ils le prétendent, les chasseurs non plus, les antispécistes ne respectent pas le principe de réalité, etc. Mais pour qui je me prends ? Toujours en train de râler. Les psychologues prévoient sans doute une catégorie pour caser les rabat joie comme moi. C’est le cercle vicieux : cette disposition à la critique perpétuelle influe sur ma lecture du réel et cette lecture, à son tour, accentue ma disposition.

J’y pensais l’autre jour en écoutant Vanessa Manceron qui nous parlait des ornithologues amateurs en Angleterre. L’Angleterre, nous disait-elle, est un pays densement peuplé, même à la campagne, où l’opposition entre le domestique et le sauvage ne prend pas les formes radicales qu’elle peut présenter chez nous. C’est un peu comme dans les jardins à l’anglaise, moins domestiqués que les nôtres sans être sauvages pour autant. Et dans cette Île très jardinée on compte un million d’inscrits à la Ligue pour la protection des oiseaux. Par leurs observations détaillées, les ornithologues amateurs contribuent à la recherche scientifique. Pendant de longues années, et avec beaucoup de fidélité, ils entretiennent avec les oiseaux une amitié à distance, sans aucun désir de captation ou de domination. C’est un rapport égalitaire. Nourrie d’exemples assez parlants, la description de cette communauté désintéressée qui contemple le vivant avec ravissement, m’a parue très crédible.

Bref, j’ai été jaloux des ornithologues anglais, capables d’entretenir avec les animaux sauvages des liens intenses et légers à la fois, réservés  et pleins de poésie.  J’ai été également jaloux de Vanessa Manceron, capable d’aborder un sujet aussi controversé (rien de plus explosif que le rapport à l’animal) en évitant les deux grandes tentations auxquelles j’ai du mal à résister sur ce blog : la polémique et la caricature. Pour sortir du pessimisme sans tomber dans la béatitude, je conseille donc la lecture de Les veilleurs du vivant. Avec les naturalistes amateurs  (éditions La Découverte, 2022).