Jean-Baptiste Siméon Chardin, Le Château de cartes 1735-1736
(Suite) Ces objets n’ont peut-être pas d’âme, mais nous faisons
comme s’ils en avaient une. Ça me fait penser à Bruno Latour et à ce qu'il appelle un « faitiche » (sic) :
les objets sacrés – je résume à ma guise - sont d’autant plus vrais que c’est
nous qui les avons faits, qui les avons fabriqués. Mais ça me rappelle
encore plus Maurice Godelier et ses réflexions autour des objets inaliénables.
Contrairement à la théorie de Marcel
Mauss, selon laquelle le destin des objets est de circuler pour assurer le
lien social, il y a des objets qui ne circulent jamais. Qui ne doivent pas circuler. Ce sont les « sacra » : masques, parures, ustensiles rituels et autres « monuments » (de monere au sens de «faire penser, faire se souvenir») comme le laurier de mon
père*, le
fauteuil de ma mère ou ce tableau, qui lui plaisait beaucoup, censé rappeler aux descendants sa sensibilité artistique et son sens des affaires** .
Certains collectifs sont comme des châteaux de cartes. On retire une pièce et tout s’écroule. Parfois c'est soudain. On efface les débris et c'est réglé. Parfois ça démarre doucement, de façon sournoise. Avec un geai, par exemple, qui
prend la place d’un merle dans un laurier vieillissant dont on commence à
oublier les origines.
* Avec le temps il était devenu le sien et il souffrait pour lui si je le taillais trop sévèrement.
** En fait, ces garants de l’identité du groupe doivent aussi circuler, à leur façon, mais d’une génération à l’autre. Les disperser est un acte chirurgical comparable à une ablation. C’est enlever à ce méta-cerveau qu’est le collectif familial une partie de ses circuits neuronaux.
C'est dommage, l'article commençait vraiment bien, et j'ai lu "Bruno Latour"...
RépondreSupprimerJe vous reconnais. Vous êtes pardonné.
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