vendredi 2 juillet 2021

L'inquiétante étrangeté (5). L'effort d'être là.

 

Collectif

Personnellement, je ne me sens pas le maître de mon collectif. Je veux dire, de mon collectif  principal, celui qui me structure en profondeur. J’appellerai collectif, dans ce sens, l’ensemble des efforts qui se sont agglutinés autour de mes parents dans la tentative de donner continuité à un projet. Quel projet ? Celui d’être là, tout simplement. Et de prolonger cette présence d’une génération à l’autre. Quels efforts? Les déplacements silencieux  de Miro, par exemple, notre dernier chien qui mettait sa tête sous la main de ma mère lorsqu’elle pensait à des choses tristes en regardant le fleuve. Les retours triomphaux de Golden, notre petite siamoise, qui ramenait toutes sortes de proies (souris, rouges-gorges, lézards)  pour nous montrer qu’elle était la plus grande chasseresse du monde.  Les sorties téméraires du merle qui gesticulait comme un pitre sous les yeux de mon père sans se faire chopper par Golden*.  

Et après – en jouant sur le registre animiste – je citerai l’effort assuré par la dame-jeanne de prosecco pour ne pas tourner au vinaigre.  L’effort enduré par le piano pour supporter impavide mes digitations bas de gamme (toujours les mêmes, un vrai supplice).  L’effort déployé par  les fauteuils  brodés par ma mère (une composition florale au crochet) pour sembler jolis. Est-ce que ces objets ont une âme ? Soyons sérieux, la réponse est non. Toujours est-il qu’ils ont participé activement à notre histoire et contribué à notre envie d’être là. (À suivre).

* On vient de me raconter une histoire analogue. J'ai le sentiment de copier. C'est que nos collectifs, parfois, se ressemblent.

 

1 commentaire:

  1. Je pense que le geai qui a surgi de votre laurier est une femelle. C’est sûrement très joyeusement qu’elle a donné l’alerte. C’était sans doute quelque chose du genre « Il est revenu ! Il va réanimer le collectif ! »
    Le monde serait beau sans les humains, sans doute très pur.
    Mais ce qui rachète la salissure que nous lui infligeons, jusqu’au-delà de la Terre,
    c’est le regard que nous portons et rapportons sur lui, comme vous le faites.
    Goéland, merle et geai vous prêtent leurs plumes pour en écrire un mot, caustique, affectueux et espiègle, alerte ou mélancolique comme eux.

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