Il se peut que derrière mon malaise causé par l’apparition du geai dans le laurier du merle il y ait un raisonnement de type analogique : le merle est au laurier ce que moi je suis à la maison de mes parents. On commence par déloger les merles de leur laurier …
Les lieux, les espaces investis par notre action et notre regard, jouent un rôle important dans la lutte contre l’entropie. Dans leur concrétude ils aident à garder les souvenirs. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une maison avec un petit jardin. Et certains successeurs, lorsqu’ils ont cette chance, ne désirent pas en porter le poids. Aux deux extrêmes on trouve les conservateurs (au double sens, peut-être), et les adeptes du « tabula rasa » qui oblitèrent leur bien pour bâtir ailleurs quelque chose de meilleur*.
Les conservateurs sont des animistes. Ils vivent dans la modernité mais ils ont gardé chez eux quelque chose de primitif. Pour eux, les maisons sont manifestement des artéfacts mais, en même temps, elles ont une âme. Elles matérialisent le projet tout simple (comme celui d’Adam et Ève), d’être là pendant un long moment. Du côté immatériel, elles fonctionnent comme des pièges : elles absorbent le vécu de leurs habitants. Si on conserve une maison c’est pour transmettre une histoire, à la manière des conservateurs d’un musée. C’est qu’on partage le projet de ses concepteurs** et qu’on a pour eux de la reconnaissance, de la sympathie au sens étymologique. On a souffert ensemble, on a lutté ensemble contre des forces adverses***, on a profité ensemble des moments de plénitude arrachés à l’entropie. Et chaque pièce garde le souvenir de ces gesticulations. Elle en est même imprégnée :
- Ici, je me souviens, nous avions mis à sécher du chanvre des oiseleurs. Ça dégageait un parfum très intense, presque écœurant, à terme.
- Et c’était pour quoi faire ?
- Ben, comme ça …
(À suivre).
* On peut aussi oblitérer des biens, mais c’est plus rare et moins honorable, pour soustraire des pièces à la mémoire du collectif.
** Au double sens du mot également : ceux qui ont conçu le projet et qui nous ont conçus.
*** Il suffit d’être des Modernes inachevés, un peu animistes sur les bords, pour prendre au sérieux l’idée « paranoïaque » que des forces adverses, plus ou moins anthropomorphes, cherchent à infléchir notre destin.
« Ma Particule Élémentaire »
RépondreSupprimerFlorent Marchet.
Oh mon cosmos
Ma galaxie
Anti-matière
Et longue nuit.
Oh mes étoiles,
Ma Voie lactée
Et mon soleil,
Rayons dardés.
Oh mes comètes,
Tous mes nuages
Et ma planète
Prise en otage.
Mes océans,
Au bleu cobalt,
Mes continents,
Mes îles de Malte.
Ecran-capture,
Oh mon pays,
Ma préfecture,
Mon Monoprix.
Oh ma ruelle,
Oh ma maison,
D'autres pixels
à l'horizon.
Oh mon amour
Et mes amis
Oh mes enfants
Ma chair mon sang
Oh mon cerveau
Et mes poumons
Mes litres d'eau
Oui mon colon
Mes reins mon foie
Mes testicules
Mon estomac
Oh mes cellules
Mon ADN
Mes molécules
Oh mes atomes
Mes particules
Mes electrons
Oh mes neutrons
Protons et quartz à l'horizon
Enfin mes cordes où que je sois,
La vie déborde,
à chaque fois.
La vie déborde...
A chaque fois.
La vie déborde,
à chaque fois...