Il s’appelait Eros. Il était passionné de tir à la carabine. Une fois, pendant les vacances d’été, on s’était rendu avec lui à San Marino. J’avais dix ans. On regardait la plaine du haut du rocher. On apercevait des gens, tout petits. Je lui ai demandé :
- « Sont-ils à portée de tir ? ».
Il m’a répondu d’un ton didactique et amical à la fois, comme s’il me transmettait un secret :
- Rappelle-toi que nous sommes des bipèdes. Si pendant que ta cible marche tu vois du blanc entre ses jambes, c’est qu’elle est à portée de tir. Ça fait deux cents mètres environ.
En revenant - j’étais dans sa voiture - je lui ai demandé :
- Eros, pendant la guerre vous est-il jamais arrivé de tuer quelqu’un ?
- Oui, au moins un. C’était avec mon 91. Il était très loin et j’ai du régler la hausse. Il n’y avait que sa tête qui sortait. Comme celle d’une oie. On aurait dit une oie.
Depuis, j’ai toujours trouvé chez les oies quelque chose de particulièrement anthropomorphe.
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